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La valeur ajoutée de l’architecte sur le chantier

Par ​Eric WIRTH, vice-président du Conseil national de l'Ordre des architectes - L’architecte optimise le projet architectural pendant le chantier. Si l’architecte suit le chantier, il établira avec encore plus de rigueur les documents de consultation des entreprises, puisqu’il aura à gérer les impasses éventuelles.
Mis à jour le
7 octobre 2020
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La présence de l’architecte sécurise le Maître d’Ouvrage avec sa garantie assurancielle (décennale et trentenaire).

L’architecte optimise le projet architectural pendant le chantier (la conception ne s’arrête pas au permis de construire).

L’architecte accompagne et gère les modifications nécessaires ou souhaitées en cours de chantier, dans le respect de sa conception initiale, et établit le permis modificatif (sans architecte, le PC modificatif ne peut pas être établi sans signature de complaisance).

Si l’architecte suit le chantier, il établira avec encore plus de rigueur les documents de consultation des entreprises, puisqu’il aura à gérer les impasses éventuelles.

Sa présence garantit la mise en œuvre des matériaux prescrits ou réellement équivalents : l’architecte n’a rien à gagner d’une baisse de qualité dans le choix des matériaux, ses honoraires sont fixes. Contre-exemple : la Tour Grenfell à Londres qui a brûlé, car les prescriptions de l’architecte, écarté du chantier, n’ont pas été respectées.

L’architecte est indépendant, de l’entreprise, des fournisseurs, des industriels, de tout système marchand. Il ne défend qu’une seule chose : le projet qu’il a conçu. Il en est le meilleur avocat, et donc de son client également dont il défend les intérêts. Il n’a rien d‘autre à gagner que le respect de son projet et le paiement des honoraires préalablement fixés.

Sans architecte, les choix opérés iront toujours dans le sens d’une baisse des coûts et d’une augmentation de la marge, que ce soit dans le choix des matériaux, dans le processus de mise en œuvre ou l’ordonnancement des travaux. Que ces choix émanent de l’entreprise ou du maître d’ouvrage, notamment les promoteurs. Ils tendent toujours vers une baisse fatale de la qualité.

Toute demande de variante technique ou de changement de matériau émanant de l’entreprise ne sert que les intérêts financiers de celle-ci. En l’absence d’architecte, le projet se dégrade toujours, même s’il reste en général dans les épures réglementaires.

L’architecte concepteur est celui qui connaît le mieux son bâtiment, et est donc le mieux placé pour en diriger sa réalisation, ce qui est un gage de qualité.

Son niveau d’exigence sert l’intérêt général, mais pas forcément celui de son client (promoteur) ou de l’entreprise.

Un architecte devient un meilleur concepteur chaque fois qu’il suit la mise en œuvre de ce qu’il a imaginé, notamment au niveau technique et économique. Il y apprendra à optimiser sa conception, mais également à limiter les risques de sinistres.

L’organisation verticale du travail d’une agence est plus pertinente qu’horizontale: celui qui conçoit le projet suit idéalement sa réalisation.

Beaucoup de déboires avec certains bureaux d’études généralistes où les concepteurs ne suivaient jamais les chantiers.

L’architecte qui a conçu le projet est le mieux placé pour l’expliquer à ceux qui vont le réaliser et les embarquer dans son histoire, au-delà de la simple lecture des plans et des pièces écrites.

La qualité d’exécution finale d’un projet dépend bien évidemment du savoir-faire des compagnons, mais aussi de l’étude et de la mise au point des détails d’exécution, où l’architecte gère à la fois le strict respect de sa conception, la mise en œuvre dans les règles de l’Art et la compétence de l’entreprise.

L’architecte vérifie les situations de travaux des entreprises et ne propose au paiement que les prestations réellement et parfaitement exécutées, en toute impartialité.

L’architecte donne son avis et conseille son client sur toute proposition de sous-traitance.

L’architecte sera le plus exigeant lors de la réception des travaux du projet qu’il aura conçu et porté pendant de nombreux mois.

La présence de l’architecte est encore plus nécessaire aujourd’hui par rapport à la perte de compétence de beaucoup d’entreprises, avec un recours accru à une sous-traitance en chaîne.

L’architecte est également un arbitre impartial lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts des entreprises, notamment pour le paiement de leurs situations de travaux, ou l’application de pénalités.

En cas de travaux supplémentaires, l’architecte qui connaît bien son bâtiment est capable de proposer des moins-values pour en compenser le surcoût, dans le respect du projet architectural.

Il y a deux métiers pour l’architecte sur le chantier :

  • celui du concepteur qui veille au respect architectural, technique, environnemental de son projet. C’est la mission de visa des plans d’exécution et de la mise au point des détails techniques avec l’entreprise, c’est la validation des matériaux proposés, ainsi que le contrôle de la qualité de l’exécution et de leur conformité au projet et aux règles de l’art.
  • et celui du directeur de travaux, c’est à dire le management du chantier, des intervenants, du suivi administratif et économique du chantier, plus proche de l’OPC.

Le premier constitue l’essence de notre métier, mais les maîtres d’ouvrage n’en mesurent pas la portée, et font l’amalgame avec le management de chantier, où les architectes ne sont malheureusement pas toujours les meilleurs, ce qui pose la question de leur formation.

Pour beaucoup de maîtres d’ouvrages un bon architecte est celui qui gère bien son chantier, qui sait se faire respecter des entreprises et sait faire respecter ses instructions. Ils occultent tout le volet architectural du chantier. C’est pourquoi ils sont convaincus qu’un bon maître d’œuvre suffit.

Le deuxième métier pourrait ne pas être confié à l’architecte. Beaucoup d’architectes délèguent d’ailleurs cette mission à leur bureau d’études pour se consacrer à leur cœur de métier.

Dans les marchés de conception-réalisation, on attend l’architecte sur son attention au projet et non au management pris en charge par l’entreprise.

Ce sujet des deux métiers est la piste à développer pour remettre l’architecte en selle sur le chantier tout en répondant à la demande de certains maîtres d’ouvrage qui sont structurés pour faire de la maîtrise d’œuvre en interne, pour ne pas dire maîtrise de chantier.

Pour la MAF c’est un vrai sujet, notamment par rapport aux missions de « suivi architectural » fréquentes chez les promoteurs.

Si les architectes étaient tous compétents sur ces deux métiers, la question de leur présence sur le chantier ne se poserait pas, sauf en ce qui concernerait leur trop grande exigence qui serait au frein à l’optimisation économique du chantier pour l’entreprise ou le client.

La montée en compétence des architectes sur le chantier, sur les volets techniques, constructifs et management doit être l’objectif.

Le sujet de la maîtrise d’oeuvre de chantier rejoint celle du Bim Manager, où il y a également deux métiers :

  • celui de l’architecte concepteur qui fait la synthèse architecturale, technique et environnementale de la maquette numérique dans le respect de son projet. Il n’y a que lui qui peut faire les nécessaires arbitrages, les ajustements techniques, etc.
  • celui de l’informaticien qui veille au respect des protocoles d’échanges, de propriété, de traçabilité, etc.

Dans l’esprit de nombre d’intervenants, le bon profil de Bim Manager est le second, réduisant cette fonction à la gestion de l’outil, et non du projet !

Comme pour le chantier, ils occultent toute la dimension architecturale de ce métier au profit exclusif de l’optimisation constructive, et donc financière.

Dans une agence structurée, il est facile d’avoir les deux profils. C’est beaucoup plus difficile pour les très petits cabinets, voire les architectes isolés.

Ce qui n’est pas le cas pour la maîtrise d’œuvre de chantier : un architecte seul n’a aucune difficulté à très bien suivre et diriger son chantier sur les aspects architecturaux, techniques et environnementaux, mais également managériaux et administratifs.


Eric Wirth, vice-président du Conseil national de l'Ordre des architectes

 

 

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