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Diffuser la culture architecturale : la médiation comme levier de qualité de notre cadre bâti

Par Caroline MAZEL, fondatrice de Médiarchi et Maître de conférences à l’ensap Bordeaux - Couramment utilisé dans le domaine civil, commercial, public ou pénal, le terme médiation, appliqué à l’architecture, s’entend dans sa déclinaison pédagogique pour transmettre, éveiller le regard, éduquer, dans sa dimension de concertation et de conseil ou encore dans sa forme de co-conception / fabrication. Diffuser la culture architecturale amène à s’interroger sur le profil et la formation de ceux que l’on nomme aujourd’hui les médiateurs.
Mis à jour le
7 octobre 2020
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Plus de 40 ans de lois sur l’architecture ont permis d’encourager et de reconnaître « la création architecturale, la qualité des constructions, leur insertion harmonieuse dans le milieu environnant, le respect des paysages naturels ou urbains ainsi que du patrimoine » comme d'intérêt public. Une avancée considérable pour la profession, un bilan plus mitigé au regard de la médiocrité de pans entiers de notre territoire où l’architecture semble avoir été abordée comme une marchandise, soumise à un impératif de profit et de spéculation plus qu’à des principes supérieurs, qu’ils soient éthiques, artistiques, culturels ou encore écologiques. Ce constat amène à se demander si, et de quels architectes et architectures la société a encore besoin et, de manière consubstantielle, s’il importe que les citoyens développent une culture de cette discipline ? La réponse à cette question ne fait aucun doute si toutefois on considère 1-l’architecture comme l’art de bâtir, où la légitimité des formes compte autant que l’expérience esthétique et spirituelle offerte à l’homme, 2-son caractère de bien collectif et public, expression identitaire d’une culture, justifiant l’importance de sa connaissance au-delà du cercle des experts, 3-l’architecte comme l’intellectuel de la forme bâtie, susceptible d’améliorer la vie par ses qualités de localité, d’habitabilité et d’urbanité.

Couramment utilisé dans le domaine civil, commercial, public ou pénal, le terme médiation, appliqué à l’architecture, s’entend dans sa déclinaison pédagogique pour transmettre, éveiller le regard, éduquer, dans sa dimension de concertation et de conseil ou encore dans sa forme de co-conception / fabrication. Diffuser la culture architecturale amène à s’interroger sur le profil et la formation de ceux que l’on nomme aujourd’hui les médiateurs. Si  les architectes ne sont pas les seuls ‘’habilités’’ à assurer ce pontage de connaissances entre profanes et initiés, il nous semble les plus en capacité à la promouvoir dans sa complexité, tel un espace conçu, perçu et vécu. Alors que la banalisation de l’architecture apparaît comme la conséquence d’une pensée partielle, d’un point de vue essentiellement technique, économique ou d’usage, d’un processus de production fragmenté, il est essentiel de revenir aux fondamentaux de cette discipline comme expression de culture afin qu’elle soit reconnue comme telle par la maîtrise d’ouvrage et les citoyens. Pour se faire, les futures générations d’architectes doivent être en mesure de défendre la faculté qui les singularise par rapport à d’autres acteurs de l’aménagement : combiner le registre du constructeur et celui du plasticien dans une unité conceptuelle et selon une éthique rigoureuse. Leur formation initiale est donc en jeu alors même qu’un débat au sein des écoles d’architecture a récemment soulevé la place de l’enseignement du projet[1].

Les compétences propres à la profession acquises, vient le temps de la spécialisation par la formation continue. Elle conduit aux métiers de l’architecture dont ceux de la médiation qui se dessinent malgré le faible investissement de la puissance publique dans la valorisation de l’architecture contemporaine, à la différence du patrimoine plus ancien. Afin de « professionnaliser » l’acquisition de compétences pour former des professionnels sur un marché en devenir, l’ensapBx, le laboratoire PAVE et l’Université de Bordeaux ont mis au point, de manière inédite, le Diplôme Inter établissements en Médiation de l’architecture sur la base de l’étude sur « La culture architecturale des Français »[2]. Considérant que la capacité à transmettre ne s’improvise pas, l’équipe qui en est à l’origine estime au contraire qu’elle impose un minimum de pédagogie et de méthodes. Beaucoup d’associations et d’institutions reconnues en ont une pratique courante et ont pu acquérir des compétences pour penser des modes et méthodes appropriés. La formation continue est une opportunité de valoriser ses savoirs auprès de stagiaires qui peuvent prolonger leur apprentissage par une mise en situation professionnelle au sein de structures référentes. Parallèlement, et comme préalable à toute action de médiation, la culture architecturale des médiateurs nécessite d’être constamment actualisée et approfondie. Bénéficier d’un temps spécifiquement dédié à l’apprentissage et à la réflexion personnelle est une opportunité dans leur parcours professionnel pour construire un positionnement éthique, souvent balbutiant durant les études. Ambassadeurs de leur discipline, ils engagent leur responsabilité par un propos sur l’architecture qu’il faut ancrer d’un point de vue théorique.

Lancée à Paris en octobre 2015, la Stratégie nationale pour l’architecture a mis en avant la nécessite de susciter un désir d’architecture, de la rendre accessible à tous et de renouveler les regards afin de donner un sens à l’espace et une impulsion nouvelle aux métiers de l’architecture. Il nous apparaît prioritaire que l’effort de pédagogie se concentre sur cet aspect signifiant alors que l’architecture n’échappe pas à l’esthétisation du quotidien. Commandée par la séduction immédiate comme si elle était essentiellement destinée à être attractive pour une clientèle de consommateurs et de touristes, elle a tendance à devenir un produit marketé alors qu’elle est d‘abord une question de valeurs. Des citoyens conscients de la vocation première de l’architecture de construire pour habiter et de répondre aux besoins des hommes seraient assurément plus critiques et exigeants face à la production. On peut supposer que le niveau de qualité architecturale s’en trouverait même augmenté. Que l’on soit maître d’ouvrage ou habitant, se former aux ressorts de cette qualité implique d’apprendre à aborder un édifice par ses plans plus que par ses façades, à comprendre les notions d’ordre, d’équilibre, de cohérence comme des fondements inscrits dans la longue tradition de l’histoire des villes, à saisir ce qui fait l’urbanité d’un quartier ou encore l’expression véritable des matériaux. Des notions, parmi d’autres, qui conditionnent une participation active et éclairée à la fabrication de notre cadre de vie. Si les formations réglementaires, techniques ou encore normatives sont courantes, celles qui abordent l’architecture sous un tel angle culturel se font plus rares ; seule cette approche nous semble pourtant pouvoir conduire à distinguer construction et architecture. Elle appelle un projet volontariste d’éducation et de formation à l’architecture au niveau national : un projet politique.

Caroline MAZEL
Titulaire du diplôme d’architecte DPLG
Fondatrice de Médiarchi

Maître de conférences à l’ensap Bordeaux

 

[1] Publication de la Société Française des Architectes « L’enseignement du projet en danger » (bulletin n°56, 2ème trimestre 2020) auquel un collectif d’architectes, de géographes et d’urbanistes, enseignants et chercheurs au sein des écoles d'architecture, a réagi collectivement dans une lettre ouverte « Cessons d’opposer théoriciens et praticiens ».

[2] Tapie G. (dir.), en collaboration avec Patrice Godier et Caroline Mazel (2018), La culture architecturale des Français, DEPS-Ministère de la Culture, Presses de Sciences Po.


 

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Culture architecturale | Patrimoine | Art

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