Des clarifications réglementaires bienvenues sur les engagements et la reprise d’études en marchés publics

Un décret du 28 décembre 2022 précise que le dépassement du seuil de tolérance dans les marchés publics ne peut conduire à sanctionner le maître d’œuvre que si le dépassement lui est imputable.
Ministère de l'Économie et des Finances Bercy

La crise des matériaux, qui a renchéri considérablement les prix de la construction ces derniers mois, a aussi eu pour effet de générer presque systématiquement auprès de la maîtrise d’œuvre des demandes de reprises d’études. Concernant les marchés publics, une lecture erronée des dispositions du code de la commande publique a pu conduire certains maitres d’ouvrages à exiger que ces adaptations s’effectuent sans rémunération supplémentaire. Confrontés à des dépassements qui ne leur sont pas imputables et en dehors de tout manquement, de nombreux maitres d’œuvre ont ainsi fait face à un risque de lourdes pénalités, correspondant à l’investissement nécessaire pour rendre le projet compatible avec le coût d’objectif du maître d’ouvrage.

Alerté sur cette situation par l'Ordre des architectes et les organisations professionnelles de la maîtrise d’œuvre durant la première phase des Assises du BTP, le ministère de l’Economie, des Finances, et de la Souveraineté Industrielle et Numérique a donc procédé à une clarification des règles applicables dans le décret n° 2022-1683 du 28 décembre 2022 portant diverses modifications du code de la commande publique :

  • Concernant le premier engagement du maître d'oeuvre sur le respect du coût prévisionnel lors de l’appel d’offres travaux, le maître d’ouvrage ne peut pas exiger une adaptation gratuite des études si le dépassement de cet engagement résulte de circonstances que le maître d’œuvre ne pouvait pas prévoir (art. R. 2432-3 du code de la commande publique). Rappelons par ailleurs qu’en cas de dépassement, l’adaptation des études sans rémunération supplémentaire n’est qu’une faculté à l’initiative du maître d’ouvrage et non une obligation. 
     
  • Concernant le deuxième engagement du maître d'oeuvre sur le coût résultant des marchés publics de travaux, le maître d’ouvrage ne peut appliquer des pénalités au maître d’œuvre qu’en cas de manquement de ce dernier à ses missions de direction de l’exécution des marchés de travaux et d’assistance aux opérations de réception (art. R. 2432-4 du code de la commande publique)

Autrement dit, le maître d’œuvre ne saurait être sanctionné, soit par une reprise gratuite d’études, soit par une pénalité financière, que si le dépassement éventuel de ces engagements lui est imputable. D’après le ministère, ces évolutions réglementaires ont pour objet de faire cesser certaines mauvaises pratiques préjudiciables aux maîtres d’œuvre. Le texte ne crée pas en soi de nouvelles mesures mais vient clarifier le régime juridique existant, bousculé par le caractère exceptionnel dans son ampleur de la crise des matériaux. La jurisprudence administrative reconnaissait déjà cette notion d’imputabilité pour contrôler le dépassement des seuils de tolérance fixé par le marché (cf. notamment Cour administrative d’appel de Douai, 04 avril 2019, 16DA01505).

Parmi les autres évolutions réglementaires contenues dans ce décret pour la commande publique, on relèvera également :

  • la prorogation jusqu’au 31 décembre 2024 du seuil de gré à gré fixé à 100 000 € pour les marchés publics de travaux ainsi qu’aux lots d’une opération, dans la limite de 20% de la valeur estimée de tous les lots (art. 6 du décret du 28 décembre) ;
     
  • le relèvement à 30% du montant minimum de l’avance versée au titulaire pour les marchés de l’Etat conclus avec des PME (art. R. 2191-7 du code de la commande publique) ;
     
  • l’échelonnement de principe du remboursement de l’avance dans le silence du marché (art. R. 2191-11 du CCP) ;
     
  • la possibilité pour les candidats à un marché public de transmettre une copie de sauvegarde de leur offre par voie dématérialisée (art. R. 2132-11 du CCP).

Les dispositions de ce décret sont applicables aux marchés publics pour lesquels une consultation est engagée ou un avis d'appel à la concurrence est envoyé à la publication à compter du 1er janvier 2023.

A noter que les CCAG ont aussi fait l’objet de quelques modifications dans un arrêté du 29 décembre 2022

  • les taux d’avance pour les marchés de l’Etat sont alignés à 30% en conformité avec l’article R. 2191-7 du CCP dans l’ensemble des CCAG
     
  • dans le CCAG-Travaux, le délai pour notifier l’ordre de service de démarrage des travaux passe de 6 mois à 4 mois à compter de la notification du marché, afin d’accélérer la mise en route des opérations de travaux


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Publié le 03.01.2023 - Modifié le 27.03.2024
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Bonjour,

J'encourage l'Ordre des Architectes à se battre pour faire évoluer la législation vers une application de ces mesures aux organismes HLM.

P. Jacquet architecte à Vesoul

(photo : Fred Romero / CC BY 2.0)
Ministère de l'Économie et des Finances