Une circulaire pour trouver l'équilibre entre photovoltaïque et patrimoine

Le Gouvernement définit dans une circulaire interministérielle les actions pour accélérer la production des énergies renouvelables tout en garantissant la préservation du patrimoine. Elle fait suite à l'alerte donnée par l'Ordre des architectes et plusieurs acteurs du patrimoine et de l'architecture.
Dijon

Les pouvoirs publics souhaitent favoriser le développement des projets photovoltaïques en ciblant prioritairement les zones déjà artificialisées, avec pour objectif une capacité photovoltaïque-cible de 100 GW en 2050. La loi « Climat et résilience » du 22 août 2021 a ainsi introduit l'obligation, pour les propriétaires de nouveaux entrepôts, hangars et parkings couverts et extérieurs de plus de 500 m² de même que de nouveaux immeubles de bureaux de plus de 1 000 m², d'installer des panneaux photovoltaïques ou des toitures végétalisées. Cette obligation vise à améliorer l'exploitation du potentiel des toitures pour développer l'énergie photovoltaïque sans consommer d'espace. L'obligation concerne aussi les rénovations lourdes de ces bâtiments. Ces mesures prendront effet le 1er juillet 2023.

Plusieurs personnalités et institutions, dont l'Ordre des architectes, ont alerté le Gouvernement pendant les débats parlementaires de la loi ENR (voir la lettre ouverte ici), sur la tentation de sacrifier la préservation du patrimoine pour favoriser l’implantation d’équipements producteurs d’électricité.

Une instruction ministérielle, signée par trois ministres (Culture, Transition écologique et Cohésion des territoires, Transition énergétique), a été mise à disposition le 13 janvier 2023. Elle vise à contribuer au développement de l'énergie photovoltaïque en garantissant la préservation du patrimoine, en apportant une meilleure prévisibilité aux porteurs de projets dans l'instruction de leurs demandes d'autorisation et en assurant une instruction cohérente des demandes sur l'ensemble du territoire. Proposant une doctrine nationale dans ce domaine, elle doit aider à la décision et faciliter les missions quotidiennes des services patrimoniaux.

Cette instruction est destinée aux préfets de région, directeurs régionaux des affaires culturelles ainsi qu’aux directeurs régionaux de l'environnement, de l'aménagement et du logement.

Au regard de ces nouvelles mesures, cette circulaire rappelle la nécessaire conciliation entre le développement des énergies renouvelables et la préservation du patrimoine et du paysage, soulignant le rôle particulier des architectes des Bâtiments de France en la matière.

Le texte dresse un ensemble de préconisations :

Dans les sites patrimoniaux remarquables et les abords de monuments historiques :

  • Encouragement de l’implantation des panneaux solaires dans les zones logistiques, les zones d'activités et les zones industrielles, sur les parkings (au sol ou en toiture), hangars, grandes surfaces commerciales, bâtiments couverts en terrasse, délaissés et terrains abandonnés et infrastructures autoroutières.
  • Accueil favorable de panneaux solaires sur les toitures des bâtiments construits après la Seconde Guerre mondiale non protégés au titre des monuments historiques, en veillant à leur bonne intégration architecturale et paysagère. Le refus est limité aux projets qui portent atteinte à l'architecture de bâtiments remarquables (labellisés ou non), au paysage, ou dans les cas où l'implantation de panneaux solaires serait proscrite par le règlement du site patrimonial remarquable.
  • Autorisation, sous condition de ne pas être proscrit par le règlement et de compatibilité avec la conservation et la mise en valeur du patrimoine et du paysage, des projets d’implantation de panneaux solaires sur les bâtiments anciens dans les sites patrimoniaux remarquables et les abords de monuments historiques. L’ABF peut assortir ces projets de prescriptions pour garantir leur bonne intégration architecturale et paysagère.
  • Incitation à autoriser et encadrer l’implantation de panneaux solaires dans les nouveaux règlements des sites patrimoniaux remarquables.

Pour les monuments historiques

  • Il est conseillé d’éviter l’implantation de panneaux solaires (au sol ou en toiture) de manière générale sur les monuments classés ou inscrits.
  • De manière exceptionnelle, des implantations de dispositifs peuvent être autorisées sous réserve de leur caractère discret ou, pour les installations au sol, si elles ne portent aucune atteinte au monument.

Pour d’autres natures de bâtiment ou site

  • Refus des installations dans les immeubles labellisés « architecture contemporaine remarquable », limité à une contradiction avec les objectifs de qualité architecturale.
  • Prise en compte et respect des valeurs patrimoniales et des caractéristiques du site dans la conception, implantation et composition des installations implantées dans les sites classés et inscrits au titre du code de l’environnement.
  • Application identique pour les biens inscrits sur la Liste du patrimoine mondial, incluant par ailleurs pour les projets soumis à évaluation environnementale, une évaluation de l'impact du projet photovoltaïque et de ses dépendances sur la Valeur Universelle Exceptionnelle des biens.

Le texte invite à une diffusion des bonnes pratiques dans les espaces où l’intervention de l’ABF n’est pas prévue et rappelle les obligations liées à l’application des règles d’archéologie préventive pour les installations au sol.

En vue d’un renforcement du dialogue avec les porteurs de projet
L’instruction insiste sur l’incitation au dialogue avec les porteurs de projets et vise à explorer les différentes solutions qui peuvent favoriser l’implantation des équipements photovoltaïques dans le respect du patrimoine et du paysage : intégration aux toitures à pentes, ordonnancement par rapport à l’architecture de l’édifice, emplacements peu visibles depuis l’espace public, adaptation à la topographie du terrain.

Les ministères évoquent par ailleurs les importants progrès techniques effectués sur les équipements photovoltaïques ainsi qu’une plus grande variété, pouvant renforcer leur adaptation aux bâtiments et aux sites. 

Ils concluent en confiant aux DRAC la mission de mettre dans leur ressort les conditions de mise en place du dialogue et de la concertation, ainsi que la mise en œuvre de l’harmonisation des recommandations en matière d’implantation du photovoltaïque.

>> Pour en savoir plus : Instruction du 9 décembre 2022 relative à laccélération de la production des énergies renouvelables : instruction des demandes d'autorisation et suivi des travaux d'implantation de panneaux solaires (rendu publique le 13 janvier 2023) - https://www.legifrance.gouv.fr/download/pdf/circ?id=45395

 

Publié le 23.01.2023 - Modifié le 27.03.2024
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Très bon article merci

(photo : Christophe Finot / CC BY-SA 2.5)
Vue aérienne de Dijon