Publication des CCAG 2021 (Partie 1) : le CCAG maîtrise d’œuvre décrypté

Par une série d’arrêtés datés du 30 mars 2021, le Gouvernement a publié six CCAG à destination des acheteurs publics. Focus sur la création du CCAG-Maîtrise d’œuvre.
Collège Lucie Aubrac

Les acheteurs publics ne bénéficiaient pas jusqu’à présent d’un CCAG spécifique pour leurs marchés de maîtrise d’œuvre et devaient, plutôt par défaut, se contenter d’un CCAG-Prestations intellectuelles qui n’était pas pleinement adapté. Réclamé depuis longue date par les organisations professionnelles du secteur, le CCAG-Maîtrise d’œuvre (CCAG-MOE) est désormais une réalité.

Constitué de 35 articles, ce CCAG a vocation à s’appliquer aussi bien aux opérations de bâtiments que d’infrastructures, qu’elles soient soumises aux règles du livre IV de la deuxième partie du code de la commande publique (codification de la loi MOP) ou non. Entré en vigueur le 1er avril, les acheteurs peuvent déjà décider d’y faire référence dans leurs marchés. 

Comme pour l’ensemble des autres grandes catégories d’achat, le CCAG intègre les stipulations transversales harmonisées issues de cette réforme :

  • les obligations en matière de protection des données personnelles (article 5.2) ;
  • les obligations générales en matière de développement durable décrites à l’article 18 ;(clauses d’insertion sociale et environnementale générale) dont les exigences spécifiques et adaptées à chaque opération sont renvoyées aux documents particuliers du marché
  • le fait de privilégier les modes de règlement amiable des litiges (article 35).

S’il est bâti sur l’architecture préexistante du CCAG-Prestations intellectuelle, le clausier dédié à la maîtrise d’œuvre intègre de nombreuses stipulations mettant en avant son caractère spécifique.

Premier signe de cette spécificité, les définitions métiers ont été intégrées dans ce CCAG-MOE : l’acheteur public est désigné comme un maître d’ouvrage et le titulaire du marché comme le maître d’œuvre (Article 2). De manière inédite dans un texte lié à la commande publique, les éléments clés d’une démarche BIM, le cahier des charges et la convention, sont définis expressément dans ce CCAG-Maîtrise d’œuvre (et repris dans le CCAG-Travaux). Des clarifications ont été apportées sur l’admission des prestations de maîtrise d’œuvre, distinguées de la notion de réception qui s’applique aux travaux. En matière de définitions, on pourra simplement regretter que la notion d’ajournement (qui permet au maître d’ouvrage de demander au maître d’œuvre de reprendre ses études) revête une signification différente pour la maîtrise d’œuvre par rapport à celle du CCAG-Travaux (qui correspond à l’arrêt des travaux décidé par le maître d’ouvrage).

L’article 4.1 dresse la liste des pièces contractuelles généralement mobilisées dans les marchés de maîtrise d’œuvre, incluant spécifiquement le programme et le détail de l’enveloppe financière prévisionnelle, les pièces écrites et graphiques issues de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre pendant la consultation. Il introduit également le BIM dans la structure contractuelle du marché. Toute démarche BIM du maître d’ouvrage doit donc faire l’objet d’un cahier des charges spécifique qui décrira ses exigences et les objectifs assignés à chacun des intervenants successifs sur le volet BIM du programme. La convention BIM constituera la réponse opérationnelle de la maîtrise d’œuvre, et des autres intervenants, à ces exigences et ces objectifs.

Le CCAG tient naturellement compte de l’organisation du maîtrise d’œuvre en équipe (cotraitance), notamment sur la question de la communication avec le groupement circonscrite avec le mandataire (article 3.8.4), l’éventuelle défaillance de ce dernier (article 3.5.4) et les modalités de règlement applicables au groupement (article 12). Proposé par les organisations professionnelles durant la concertation, on regrettera qu’un mécanisme de substitution permettant de pallier la défaillance d’un membre du groupement n’ait pas été retenue dans cette version finale du CCAG. Il reviendra aux acheteurs de prévoir cette situation, malheureusement fréquente, dans les documents particuliers du marché. 

En raison des enjeux de responsabilités propres à la maîtrise d’œuvre, les clauses d’assurance ont largement été détaillées par rapport à celles qui pouvaient exister dans le CCAG-PI. L’article 9.1 détaille ainsi les assurances obligatoires ou facultatives du maître d’œuvre et l’article 9.2 renforce les obligations d’information du maître d’ouvrage sur les assurances qu’il a contractées ou qu’il contractera.

En matière de constatation de l’exécution des prestations de maîtrise d’œuvre, ce CCAG reprend la mécanique du CCAG-PI décrivant les processus d’admission, d’ajournement, de réfaction et de rejet. Il introduit une étape intermédiaire : le maître d’ouvrage peut admettre les études avec observations, permettant d’enchainer avec l’élément de mission suivant, charge au maître d’œuvre de prendre en compte ces observations par la suite (Article 21.1).  

Ce CCAG-MOE tient compte de la relation étroite entretenue par le maître d’œuvre et l’opération de travaux. Les missions du maître d’œuvre, décrites dans les documents particuliers du marché, sont ainsi articulées expressément avec celles décrites dans le CCAG-Travaux (plus d’une centaine d’occurrences de tâches affectées au maître d’œuvre), intégrées dans les pièces contractuelles du marché de maîtrise d’œuvre.

On notera dans ce CCAG-MOE la volonté forte de rapprocher les processus applicables en marchés de travaux à la maîtrise d’œuvre, notamment concernant l’exécution financière :

  • le processus de paiement est calqué sur les marchés de travaux : possible mensualisation des acomptes, mécanisme similaire de clôture financière avec l’enchainement projet de décompte final / décompte général (Articles 10 à 11)
  • les prix révisables par principe pour les marchés supérieurs à 3 mois (Article 10.1.1)
  • l’introduction d’un mécanisme d’OS de prix nouveaux pour les prestations supplémentaires de maîtrise d’œuvre (Article 14.2), cette possibilité étant encadrée dans une limite cumulée de 10% du montant initial du marché et nécessite la signature d’un avenant au-delà. Ce seuil permet de garantir au maître d’œuvre la contractualisation de ces prestations supplémentaires et au maître d’ouvrage de gérer rationnellement ces prestations supplémentaires ou modificatives ;
  • la possibilité pour le maître d’œuvre de refuser l’exécution d’un ordre de service de prestations complémentaire ou modificatives sans contrepartie financière (Article 14.3)
  • en cas de litige, le dépôt d’un mémoire en réclamation est possible jusqu’à la transmission du projet de décompte final (Article 35.2)

Le CCAG contient deux options concernant les avances (article 11.1), l’option A portant le taux à un minimum de 20 % pour les TPE/PME et l’option B renvoyant au taux minimal réglementaire défini dans le code de la commande publique. Afin de tenir compte de la durée longue des marchés de maîtrise d’œuvre, l’option A apparait comme la plus appropriée pour garantir un montant d’avance pertinent au maître d’œuvre.

Comme pour l’ensemble des CCAG, les pénalités de retard sont plafonnées à un seuil de 10 % du montant initial du montant HT du marché. Ce dispositif de plafonnement ne concerne que les pénalités de retard, à l’exclusion des éventuelles pénalités associées à des absences ou des manquements contractuels. Les clauses relatives aux primes ont été détaillées, le CCAG-MOE évoquant la possibilité pour un maître d’ouvrage d’introduire des primes de performance financières liées aux engagements du maître d’œuvre dans les documents particuliers du marché (article 17).

Mobilisable pour des opérations relevant du champ d’application des règles de la maîtrise d’ouvrage publique, ce CCAG contient également plusieurs stipulations permettant de prendre en compte les prescriptions du livre IV de la deuxième partie du code de la commande publique (loi MOP codifiée). Ainsi, pour les opérations qui relèvent de son champ d’application, le CCAG précise que :

  • le programme, et ses modifications incidentes, est inclus dans les pièces contractuelles (Article 4.1) ;
  • pour les marchés passés à prix provisoire, le passage au prix définitif s’opère par l’intermédiaire d’une clause de réexamen qui doit être définie dans les documents particuliers du marché (Article 10.2.1 et commentaire associé) ;
  • les modalités de prise et de contrôle des engagements du maître d’œuvre, ainsi que les seuils de tolérance, doivent être prévus dans les documents particuliers du marché. A défaut, l’article 13.2 du CCAG-MOE fixe le seuil de tolérance applicable au premier engagement sur le cout prévisionnel des travaux à 5 % pour les opérations de construction neuve et 10 % pour les opérations de réhabilitation. Le seuil de tolérance, applicable au cout définitif des travaux associé au deuxième engagement du maître d’œuvre, est porté à 3 % pour la construction neuve et 5 % pour la réhabilitation.

On relèvera par ailleurs d’importantes mesures allant dans le sens de rééquilibrage contractuel entre le maître d’ouvrage et le maître d’œuvre :

  • le maître d’œuvre peut suspendre les prestations en cas de retard conséquent de paiement (3 mois) et engager une démarche de résiliation si le paiement n’intervient pas dans les 6 mois (25.1) ;
  • la possibilité de mettre fin au marché par le maître d’ouvrage est circonscrite à des évènements exceptionnels. Le mécanisme d’arrêt technique de la mission, persistant dans le CCAG-Prestations intellectuelles, ne figure pas dans ce CCAG-MOE ;
  • le maître d’œuvre peut solliciter la prolongation de ses délais d’exécution, si sa demande est exprimée dans les 30 jours après l’apparition d’une cause extérieure (15.2.2) ;
  • en cas de défaillance du maître d’œuvre, le maître d’ouvrage dispose d’un mécanisme d’exécution aux frais et risques à son encontre (Article 34)

Le CCAG-MOE permet aussi une meilleure prise en compte des modifications du marché, en lien avec des évènements affectant l’opération :

  • l’article 15.3.5 prévoit une clause de revoyure lorsque la prolongation du chantier est supérieure à 10 % de la durée prévue dans le marché de maîtrise d’œuvre ou à défaut, celle résultant des marchés de travaux. Les parties doivent se rapprocher pour identifier les causes du retard et déterminer la nécessité d’une rémunération complémentaire du maître d’œuvre pour faire face à ce dépassement ;
  • l’article 26 prévoit une clause de réexamen générale, en cas de circonstances imprévues modifiant de manière significative les conditions d’exécution du marché.

Enfin, le régime de propriété intellectuelle a été clarifié et surtout unifié, fondé sur la concession à titre non exclusif des droits patrimoniaux sur les résultats et réaffirmant le respect des droits moraux nés du marché (Articles 22, 23 et 24).

Comme évoqué dans l’introduction, le CCAG-MOE est déjà mobilisable par les maitres d’ouvrages publics qui souhaiteraient y faire référence dans leur marché. Toutefois, la mise en œuvre de ce CCAG nécessite de prévoir un certain nombre de stipulations complémentaires dans les documents du marché de maîtrise d’œuvre :

  • le CNOA propose dans un premier temps un récapitulatif des stipulations à intégrer dans le CCAP du marché, sous forme de tableau joint à cette présentation ;
  • il procèdera également dans les semaines qui viennent, en partenariat avec les organisations professionnelles de la maîtrise d’œuvre et les représentants de la maîtrise d’ouvrage publique, à la mise à jour des pièces administratives du modèle de marché public de maîtrise d’œuvre de bâtiment, récemment mis en ligne (qui avait pour assise le CCAG-PI).

 

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Publié le 06.04.2021
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(© photo : Julien LANOO / source : Archicontemporaine.org)
Collège Lucie Aubrac à Tourcoing - Coldefy et Associés Architectes Urbanistes
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CCAG MOE : Eléments à prévoir dans les documents particuliers