Les marchés privés

Litige avec un client privé

Une société de construction de maison individuelle peut-elle utiliser les plans d'un architecte ?

Le droit de propriété de l’architecte sur ses œuvres trouve son fondement dans les articles L 111-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle. Sont ainsi protégés du seul fait de leur création : les plans, croquis, maquettes et ouvrages conçus par l'architecte, qu'ils aient fait ou non l'objet d'un contrat de maîtrise d'œuvre.

La propriété intellectuelle des architectes se décompose en 2 volets bien distincts :

Le droit moral de l'architecte

L'architecte jouit, en tant qu'auteur, du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son œuvre. Ce droit est attaché à sa personne. Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible. A la mort de l'auteur, il est transmis à ses héritiers.

L'architecte a notamment le droit :

  •  d'inscrire son nom sur son œuvre, qu'il s'agisse des études et plans de conception ou de l'édifice lui-même, et d'exiger que son nom y soit maintenu
  •  de voir préciser ses nom et qualité à l'occasion de la publication des plans ou photos de l’édifice
  • de veiller au respect de sa signature
  • de s'opposer à la modification de son œuvre en cas de dénaturation.

Le plan d’un architecte ne peut être librement réutilisé par une société de construction de maison individuelle puisque ces plans appartiennent à son auteur architecte et que son nom doit nécessairement y être accolé.

Droit patrimonial de l'architecte

L'architecte jouit sa vie durant du droit exclusif d'exploiter son œuvre sous quelque forme que ce soit et d'en tirer un profit pécuniaire. A son décès, ce droit persiste au bénéfice de ses ayants droit pendant l'année civile en cours et pendant les 70 années qui suivent.

Ces attributs d'ordre patrimonial sont librement cessibles aux conditions suivantes :

  • la cession globale des œuvres futures est interdite
  • chacun des droits cédés fait l'objet d'une mention distincte dans l'acte de cession et le domaine d'exploitation des droits cédés est délimité quant à son étendue, quant au lieu et quant à la durée
  • la cession comporte les modalités de la rémunération du droit de reproduction, sous forme, par exemple, d'une participation proportionnelle aux recettes provenant de la vente ou de l'exploitation.

Au titre de l’article 5 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture qui dispose que « les modèles types de construction et leurs variantes, industrialisés ou non, susceptibles d’utilisation répétée doivent avant toute commercialisation, être établis par un architecte dans les conditions prévues à l’article 3, et ce quel que soit le maître d’ouvrage qui les utilise », l’architecte peut réaliser un modèle type pour une société de construction de maison individuelle et en exploiter financièrement la reproduction, par la signature d’une convention d’exploitation de son œuvre.

Dans tous les cas et conformément au droit moral de l’architecte, tout contrat, tout document administratif, commercial ou publicitaire relatif aux modèles types établis par un architecte et à leurs variantes doit mentionner le nom et l’adresse de l’architecte qui en est l’auteur.

Réponse vérifiée au 25/04/2024

Mon contrat ne comporte pas de clause de résiliation, puis-je quand même résilier et comment ?

L'engagement des parties, matérialisé par la signature du contrat, a force de loi entre les parties, jusqu'à l'exécution complète, par chacune d'elles, de leurs obligations.

Le fait de résilier un contrat signifie que l'on y met un terme de façon prématurée. En principe sur le plan civil, aucune des parties ne peut résilier unilatéralement le contrat, si aucune clause ne le prévoit.
Celui qui en prend l’initiative encourt le risque de voir sa responsabilité mise en jeu. Il appartient alors aux juges de décider, selon les circonstances de l'espèce, du caractère fautif ou non de la résiliation intervenue à l'initiative d’une des parties.

Il est, par contre, possible de demander la résiliation judiciaire de son contrat pour un juste motif rendant l’exécution de la mission impossible dans des conditions normales (par exemple une demande d’agissement illégal, la faute particulièrement grave du cocontractant, etc…).

A noter que l’article 38 du code des devoirs professionnels rappelle que la résiliation du contrat par l'architecte constitue une faute professionnelle. Il reconnaît néanmoins la possibilité de le faire pour des motifs justes et raisonnables, tels que la perte de confiance du client, survenance d’une situation le plaçant en conflit d'intérêt ou portant atteinte à son indépendance, violation par le client d'une ou de plusieurs clauses du contrat.

Cet article n’a cependant qu’une portée déontologique. L’architecte doit garder à l’esprit que les motifs de résiliation doivent être particulièrement fondés, car ils peuvent toujours être contestés sur le plan civil.

Dans le cas particulier où le client ne respecte pas ses propres obligations, l’architecte pourra, après avoir mis en demeure son client par courrier AR, suspendre sa mission (principe de l’exception d’inexécution). Mais il s’agit d ‘une simple suspension des obligations et non pas d’une résiliation du contrat. Cette situation provisoire se dénoue soit par la reprise normale des relations contractuelles, soit par un recours en justice en vue de l’exécution forcée ou de la résiliation du contrat.

Enfin, il est toujours préférable en cas d’absence de clause contractuelle de résiliation, de proposer une résiliation amiable à son client.

Dernier conseil : utiliser les contrats type de l’ordre qui prévoient des clauses de résiliation !


Sources juridiques/références
- Code civil
- Article 38 du code des devoirs professionnels des architectes : La dénonciation d'un contrat par l'architecte constitue une faute professionnelle sauf lorsqu'elle intervient pour des motifs justes et raisonnables, tels que la perte de la confiance manifestée par son client, la survenance d'une situation plaçant l'architecte en conflit d'intérêt au sens de l'article 13 ou susceptibles de porter atteinte à son indépendance, la violation par le client d'une ou de plusieurs clauses du contrat qui le lie à l'architecte


Réponse vérifiée au 19/04/2024

Mon client refuse de faire la réception

La réception est l'acte par lequel le maître de l'ouvrage déclare accepter l'ouvrage avec ou sans réserves. Elle constitue la date de départ des délais des responsabilités et des garanties légales.

Elle intervient à la demande de la partie la plus diligente (entreprise(s) de travaux ou maître d’ouvrage), lorsque l’ouvrage est achevé. Elle est prononcée contradictoirement soit à l'amiable, soit, à défaut, judiciairement (code civil, art. 1792-6, al. 1er ).

Si le maître de l'ouvrage refuse de réceptionner l'ouvrage alors qu’il est achevé, les constructeurs sont en droit de le mettre en demeure par lettre RAR d'avoir à procéder à la réception.

En cas d'application de la norme AFNOR P 03-001*, si le maître de l'ouvrage garde le silence malgré la mise en demeure, la réception pourra être considérée comme acquise dans certaines conditions.

Hormis ce cas, le refus abusif de réceptionner par le maître d'ouvrage pourra faire l’objet d’une procédure judiciaire. Le maître d'ouvrage s'expose alors à verser des dommages et intérêts pour le préjudice subi par l’entreprise (CA Rouen, 1re ch. civ., 2 juill. 1968, Breton c/ SARL Carrelages et revêtements normands).

Dans le cadre de son obligation de conseil, l’architecte en charge de la mission « assistance pour les opérations de réception » devra informer le maître d’ouvrage des risques qu’il encourt à refuser abusivement la réception.

* La norme AFNOR NF P 03-001 est un modèle de CCAG travaux qui ne s’applique que lorsque les deux parties ont choisi d’y faire référence dans leur contrat.

Sources juridiques/références

  • article 1792-6 du code civil (repris au code de la construction et de l’habitation, art. L. 111-19)
  • article 17-2-2 de la norme AFNOR NFP03-001

Réponse juin 2012

Comment réclamer mes honoraires en l’absence de contrat ?

Si le contrat d’architecte n’est soumis par la loi à aucune forme particulière et si l’écrit prévu à l’article 11 du code des devoirs professionnels n’est pas une condition de validité de la convention, l’architecte doit néanmoins faire la preuve du contrat dont il allègue l’existence.

En l’absence d’acte écrit, il est possible de déroger à la règle de l’article 1341 du code civil qui exige un écrit pour toute somme excédant 1500 euros, en produisant un commencement de preuve par écrit. Il s’agit de tout acte écrit émanant de celui contre lequel la demande est formée ou de son représentant et rendant vraisemblable le fait allégué. (Article 1347 du code civil).
Ont été considérés comme des actes constitutifs d’un commencement de preuve par écrit :

  • une demande de permis de construire, datée et signée du maître d’ouvrage et sur laquelle apparaît le nom de l’architecte en qualité d’auteur du projet ainsi que sa signature (1)
  • des lettres missives ou des correspondances émanant du client de l’architecte (2)
  • le paiement par le maître d’ouvrage d’une somme représentant le premier acompte sur honoraires ; l’architecte est fondé à rapporter la preuve du contrat par tous moyens tels que la production de pièces relatives à l’accomplissement de sa mission ; devis, plans, dossier d’appel d’offres, consultations d’entreprises (3)

Même si le juge reconnaît l’existence d’une relation contractuelle et si une jurisprudence constante estime que le contrat d’architecte est un contrat à titre onéreux, la fixation des honoraires est soumise, en l’absence de contrat écrit, à l’entière appréciation des juges.

Avant la saisine du juge, et si la demande d’honoraires est échue (les prestations correspondant à la facturation sont réalisées), la première démarche de l’architecte est de relancer le client par lettre simple.
Si celle-ci reste sans effet, la seconde démarche consiste à adresser au client une mise en demeure par courrier recommandé avec accusé de réception, de payer sous huitaine ou quinzaine par exemple, précisant qu’à défaut sera saisi un service juridique ou un service contentieux ou le tribunal compétent.

Si cette mise en demeure reste également sans effet, l’architecte peut alors engager une procédure contentieuse sachant qu’en sa qualité de demandeur, la charge de la preuve lui incombe et sachant également que les délais de prescription doivent être respectés (5 ans si le client est un professionnel et 2 ans si le client est un particulier.)
La saisine du tribunal compétent dépend du montant des honoraires qui sont dus.
En dessous de 4000 euros, c’est le juge de proximité qui est compétent. Le recours à un avocat n’est pas nécessaire. Le juge statue en dernier ressort (il est seulement possible de se pourvoir en cassation ou de former un recours en révision)
Entre 4001 et 10 000 euros, c’est le tribunal d’instance du lieu du domicile du client qui est compétent. Le recours à un avocat n’est pas obligatoire.
Au-delà de 10 000 euros, le litige doit être porté devant le tribunal de grande instance ou le tribunal de commerce. Le recours à un avocat est obligatoire.

Sources juridiques/références

  • Articles 1341 et 1347 du code civil
  • Décret n°80-533 du 15/7/80 et décret n°2004-836 du 20/8/04
  • Décret n°80-217 du 20/3/80 portant code des devoirs professionnels

(1) ( Cass.3e civ.20/1/04, n°02-12.674, n°66-F-D, SCI Scogli c/ Filippi), (Cass.3e.civ. 7/5/96, n°94-10.869, n°881 D, SCI Hôtel du Parc c/ Petit :RD imm, oct-déc.1996, p570, Cass.3e civ, 2/2/99, n°95-15.224, Sarl Peres Immobilier c/ SCP Amore et Courbon),
(2) ( Cass 3eciv. 15/3/89, n°87-19.540, n°487 P, Mercier c/ Branchu : Bull.civ.III, n°59),
(3) (CA Paris, 19 e ch. B, 6/7/95, Person c/ Fouque).
www.vos-droits.justice.gouv.fr 



Réponse au 30/05/2011

Mon client ne veut pas signer le contrat type que je lui propose, comment faire ?

En premier lieu, on peut proposer au client de se rendre sur le site de l’Ordre, architectes.org, afin qu’il lise les contrats proposés et ainsi instaurer un dialogue, indispensable pour cerner les clauses qui empêchent le client de signer.

Un contrat peut être adapté, par essence il résulte de négociations entre les deux parties. Il suffit alors, le cas échéant, de ne plus le présenter comme le contrat type de l’Ordre.

En cas de difficulté sur la légalité d’une clause, vous pouvez contacter le service juridique du Conseil Régional de l'Ordre des Architectes dont vous dépendez.

Si vous ne parvenez pas à vous mettre d’accord sur les principaux points du contrat, il ne doit pas y avoir de début d’exécution. En effet, l’article 11 du Code des Devoirs Professionnels des Architectes vous impose de signer, avant tout engagement professionnel, une convention écrite « définissant la nature et l'étendue de [vos] missions ou de [vos] interventions ainsi que les modalités de [votre] rémunération. » D’autant que l’expérience tend à démontrer qu’un client qui refuse de signer un contrat refusera certainement de régler les honoraires de l’architecte…
Enfin, l’article 7 énonce que « l'architecte avant de signer un contrat doit vérifier que certaines clauses ne risquent pas de le contraindre à des choix ou des décisions contraires à sa conscience professionnelle. »

Réponse vérifiée au 19/04/2024