L’architecture au service de la biodiversité : l’exemple du martinet noir
La pollution, le changement climatique, la déforestation, la destruction des habitats, la chasse ou encore la fragmentation des territoires conduisent à un effondrement de la biodiversité. Aujourd’hui, un huitième des espèces d’oiseaux, un quart des mammifères et un tiers des amphibiens sont menacés. Pour les insectes, leur population aurait décliné en quelques décennies de plus de 75 % selon certains décomptes, y compris dans des espaces protégés.
Le cadre bâti étant une source majeure de pression sur les écosystèmes, l’architecture est porteuse de solutions pour laisser une plus grande place au non-humain : construction de la ville sur la ville pour éviter l’artificialisation des sols, sa réparation pour éviter une fragmentation accrue des habitats et l’extraction des ressources, ou encore la création et l’entretien d’espaces accueillants pour la biodiversité en ville.
Un objectif du projet Rénovation du bâti et biodiversité, lancé dans le cadre du programme Nature en ville de la Ligue de Protection des Oiseaux (LPO), et auquel collabore l’Ordre des architectes, est d’allier les enjeux de rénovation énergétique et de renouvellement urbain avec ceux de la protection de la biodiversité.
Les rénovations avec isolation thermique par l’extérieur mettent en effet en danger les espèces inféodées au bâti comme les hirondelles de fenêtre, les martinets noirs ou certaines espèces de chauves-souris. La construction de la ville sur la ville tend elle aussi à dégrader les habitats des espèces protégées, car les nouvelles surfaces sont lisses et sans cavités.
En s’y prenant en amont, une politique de rénovation ou d’aménagement peut être conduite efficacement tout en protégeant les espèces, et ce à coût nul ou presque. Il s’agit donc de définir les bonnes pratiques et de les diffuser pour atteindre cet objectif. Le martinet noir illustre bien cette idée.
Zoom sur le martinet noir
Cet oiseau migrateur vole tout au long de sa vie, même pour dormir. Il ne se pose que pour nicher, en général entre mai et juillet. Il revient au même endroit plusieurs années consécutives, la préservation des nichoirs est donc particulièrement importante.
Les nichoirs se trouvent le plus souvent dans les cavités des bâtiments d’au moins 3 m de haut, et de préférence de plus de 5 m. Leurs entrées ne mesurent que quelques centimètres et peuvent être difficiles à discerner pour l’œil non averti. Elles sont à l’abri des éléments (soleil, vent, pluie), non obstrués, et souvent dans les combles, sous les corniches ou gouttières, dans les cavités sur les façades ou dans les coffres de volets roulants. Les martinets noirs regroupent les nichoirs afin de former des colonies.
Bien qu’elle soit interdite par la loi du 10 juillet 1976 (l’article L415-3 du code de l’environnement précise : 150 000 euros d’amende et jusqu’à trois ans d’emprisonnement), la destruction des nichoirs est plus la règle que l’exception ; les travaux de rénovation ou de renouvellement urbain ne prévoyant que rarement un diagnostic du vivant, et lissant les surfaces à isoler ou retravailler. Les bâtiments neufs n’offrent pas de cavités non plus, et le problème est encore aggravé par une érosion générale de la biodiversité et une diminution de la nourriture disponible, c’est-à-dire des insectes. Ainsi, la population des martinets noirs en France s’est effondrée de 46 % entre 2001 et 2019.
Sous réserve d’y penser et de s’en donner les moyens, la tendance est relativement facile à inverser. Lorsque les travaux de rénovation sont entrepris, planifier en amont et de façon systématique l’intégration de nichoirs sur les bâtiments de plus de 5 m de haut et bien orientés ne présente pas d’inconvénient. En effet, l’intégration de nichoirs ne coûte presque rien à l’échelle de l’opération (entre 50 et 150 € par nichoir). Un système de repasse (qui simule le cri des animaux) peut être utile pour leur signaler la présence de nichoirs disponibles.
Cette intégration de nichoirs en amont dans les travaux est d’autant plus opportune qu’en plus de protéger la biodiversité, elle peut aussi augmenter la valeur des biens immobiliers.
Pour éviter de détruire les habitats, se renseigner auprès du service environnement urbain de la commune quant à la présence éventuelle de martinets noirs est une première étape. Si elle est confirmée, la LPO locale pourra fournir toutes les informations pertinentes et les bonnes pratiques à mettre en œuvre.
Le rôle des architectes est important, en tant que conseils, mais aussi en tant que prescripteurs, car sans cette planification et cette intégration des nichoirs en amont de la réalisation, ils peuvent être la source de pathologies (performance thermique, défauts d’étanchéité) pour le bâtiment s’ils sont intégrés sauvagement en cours de chantier. Les ponts thermiques peuvent être traités avec des nichoirs en matériau isolant par exemple.
Bien sûr, le nichoir n’est pas le seul enjeu. L’habitat au sens large doit être favorable à la biodiversité, le rôle de l’architecture doit être envisagé dans un contexte élargi. Il faudra alors penser à permettre à une population riche et diverse d’insectes de vivre près des nichoirs, à préserver la faune et la flore locale, à ne pas tondre la pelouse trop fréquemment, à ne pas trop ramasser les feuilles mortes et le bois mort ou encore à favoriser la diversité des milieux. Voilà autant de pistes pour encourager un écosystème local riche et résilient.
>> En savoir plus :
- Article L415-3 du code de l’environnement
- L’annuaire web des ressources locales à contacter s’il y a des nichoirs, et les contacts locaux de la LPO
- Différents modèles de nichoirs

- Publié le 21.09.2023 - Modifié le 21.09.2023
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