Retour sur le séminaire "Permis de faire autrement"

Le Mardi 14 mars dernier se tenait le séminaire "Permis de faire autrement, conception responsable et économie circulaire", organisé par l'Ordres des architectes Haute-Normandie et ses partenaires. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'y participer ou si vous souhaitez simplement vous remémorer les sujets évoqués, lisez cet article !
Séminaire économie circulaire

La journée sur le thème « permis de faire autrement » a été particulièrement riche et pleine d’enseignements, par la qualité à la fois des initiatives présentées et des échanges (et aussi de l’organisation, du lieu, du repas, tout compte ici). En retenant comme fil rouge ici, une mise en perspective à partir du modèle de l’économie de la fonctionnalité et de la coopération (EFC, pour plus de détail, cf. www.club-economie-fontionnalite), plusieurs points saillants de la journée peuvent être mis en avant :

  • Economie circulaire, conception responsable, usages des matériaux et techniques anciennes ne sont pas si nouveaux d’un point de vue historique mais ont été laissés de côté au profit du modèle industriel qui s’est généralisé depuis près d’un siècle où la croissance et la rentabilité suppose d’augmenter les volumes de vente et donc l’empreinte sur la planète. Les initiatives proposées montrent, de mon point de vue, la volonté de trouver des alternatives originales au modèle industriel pour dépasser ses impasses.

 

  • Les différentes expériences présentées indiquent des tentatives pour élargir la perception des effets utiles du bien construit qui ne se limitent pas seulement au bâtiment et ses fonctionnalités mais s’étend à d’autres dimensions comme la prise en charge des enjeux de paupérisation des ménages, des enjeux d’emplois, de vivre ensemble, de passerelle avec l’insertion professionnelle… et bien entendu des enjeux environnementaux. Cela suppose souvent de réinterroger les usages et si possible d’associer les bénéficiaires directs, indirects.  Ces effets utiles ont une valeur économique qu’il convient de révéler, d’évaluer et de faire exister.

 

  • Se repère également dans les initiatives présentées, la nécessité de travailler différemment avec les autres, les habitants / futurs usagers des lieux, les bailleurs, les entreprises de démolition, les différents corps de métiers… A chaque fois, c’est au travers de la qualité de la coopération (dans notre jargon d’économiste) que se joue la capacité à proposer des solutions plus utiles, plus pertinentes, plus respectueuses d’externalités (sociales, environnementales). Dans notre jargon, nous dirions que cela permet d’augmenter la performance d’usage par la proposition de solution assemblant des biens et des services.

 

  • Bien entendu, la coopération ne se décrète pas car elle repose en grande partie sur la confiance, elle s’éprouve. Cela devient donc un bien commun auquel chacun des partenaires se doit d’être très attentif. De ce point de vue, l’idée de la maison commune de chantier est très intéressante comme expérience de la coopération. De même que la mobilisation des futures locataires, qui au travers de leur implication dans la conception du projet ont développé une coopération qui deviendra un véritable point d’appui pour la qualité du vivre ensemble une fois dans les logements, dans la gestion des espaces collectifs partagés. Cette coopération se retrouve également avec force dans l’expérience présentée par Sabine Dupuy.

 

  • Parfois, ces relations qui nécessitent d’agencer des acteurs différents pour élaborer des solutions plus pertinentes, peuvent s’inscrire dans un cadre plus institutionnalisé au travers par exemple d’association, de groupement. Cela renvoie en fait à la nécessité de faire évoluer les modes de gouvernance entre acteurs engagés dans un projet de manière à sortir de la logique de la chaîne de valeur.  Il s’agit de retrouver une manière de s’articuler afin de potentialiser et de partager la valeur générée dans une approche permettant à chacun de s’y retrouver d’un point de vue économique tout en tenant les enjeux du point de vue de la performance d’usage et des externalités.

 

  • Cela peut aussi être l’occasion de faire bouger les pratiques professionnelles comme par exemple l’architecte qui devient de plus en plus l’animateur et le garant de la coopération des contributeurs au projet, des métiers du bâtiment (gros œuvre et second œuvre) qui apprennent à démonter pour remonter, qui (ré)apprennent des savoirs techniques oubliés, des responsables de projets qui en même temps participent à la dynamique du territoire (comme par exemple avec les terrasses végétalisées, ou les liens avec des associations d’insertions ou des jeunes des quartiers en rénovation), voire l’apparition de métier nouveaux comme celui d’animateur dans l’expérience de Bailleurs et Habitats.

 

 

A chaque fois, au regard des exposés mais aussi dans la manière même dont l’orateur a exposé, il me semble qu’émergent des initiatives redonnant des perspectives riches à l’activité de travail des uns et des autres, avec le sentiment d’utilité, de créativité, de rencontres…  

 

Se retrouvent ici les principales dimensions de l’EFC : proposer des solutions permettant d’augmenter les effets utiles et de prendre en charge des externalités environnementales et sociales, s’appuyer sur l’expérience de travail et celles des usagers en donnant toute la place aux ressources immatérielles et non pas seulement à celles matérielles, développer la coopération et faire évoluer les modalités de gouvernance, redonner des perspectives positive au travail.

 

 

Olivier Blandin

ATEMIS

Maître de Conférences Associé

Université Paris Diderot

 

Publié le 24.03.2017 - Modifié le 28.03.2017
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