Retour sur la journée du 17 mai

Dans toutes les régions, le 17 mai dernier, à l'initiative du CNOA, les architectes ont fait front commun contre la loi ELAN en organisant des tables rondes, des rencontres pour discuter avec les acteurs de la construction, les élus, les bailleurs sociaux et les habitants des questions soulevées à la lecture du texte du projet de loi logement prochainement examiné à l’Assemblée nationale. Une journée d'action nationale suivie par le CROA Normandie.
Table ronde 17 mai 2018

« Construire mieux, plus et moins cher » : l'un des objectifs de la loi logement, baptisée ELAN, suscite l'incompréhension des architectes. En effet, est-il possible de construire mieux quand on construit, plus et moins cher ?

C'est à cette question qu'ont tenté de répondre les intervenants réunis à la maison de l'architecture le forum le 17 mai au soir face à une quarantaine d'auditeurs. Invités par le CROA Normandie, historien, économiste, architectes, artisans, urbanistes ont apporté leur point de vue sur une loi qui menace les acteurs du logement comme les habitants.

Anne Bettinger, secrétaire générale du CNOA, soulignant les objectifs louables d'une loi qui entendait  « répondre aux besoins de chacun, favoriser la mixité sociale et améliorer la cadre de vie » dénonce la pseudo-concertation du CNOA dans l'écriture du projet dont les propositions marquent une régression très forte par rapport à la situation actuelle : la sortie de loi MOP et la suppression de l'obligation de concours pour les bailleurs « qui menant à la libéralisation du logement ne vont pas dans le sens de l'intérêt des habitants » et bafouent l'intérêt public de l'architecture. Joël Soury, secrétaire général du CROA Normandie, s'inquiète : « Avec cette loi ELAN, on peut craindre que le logement social devienne un produit financier et perde ses spécificités car la citoyenneté, le vivre-ensemble, la culture en sont absents ». 

Ce que Marie Gaimard, historienne spécialiste du logement social, a confirmé en rappelant que les préoccupations sociales sont toujours allées de pair avec la qualité architecturale.

Olivier Gosselin, directeur du CAUE 76, a quant à lui mis en avant la notion de réversibilité : « quand on sait que l'on construit pour 200 ans, vouloir accélérer le temps de construction est une aberration. Il faut prendre le temps d'étudier le terrain, l'impact de la construction, utiliser des matériaux performants qui permettent une meilleure insertion dans la durée et dans le temps". Tout en assurant une réversibilité pour ne pas avoir à démolir dès que le programme change.

 

Autre problème mis en avant par Sabine Guitel, directrice du CAUE 27, dans ce projet de loi, c'est l'article 5  qui permet aux aménageurs de réaliser des équipements publics (écoles, gymnases, etc.) avec des fonds publics sans avoir recours à la loi MOP : « Dans le logement comme dans les équipements publics, l'Etat veut déléguer au privé l'aménagement du public, ce qui pose question. »

Olivier Blandin, économiste et maître de conférence approfondit la question du "construire moins cher" : le modèle financier classique ne peut pas s'adapter au logement social car le logement ne peut se résumer à la question du coût. Il est porteur de valeurs qui dépassent la pure logique monétaire.

Alternative au modèle dominant, l'écoconstruction est en pleine ascension. Mylène Gajic, architecte, membre de l'ARPE (Association pour la promotion de l'écoconstruction en Normandie), Boris Bourget et Jerôme Mouchel, artisans,  prouvent par leurs exemples concrets qu'il est déjà possible de construire moins cher un habitat durable respectueux des habitants et l'environnement.

Le projet collectif social devrait être au cœur de ce projet de loi, d'après Joël Soury: si vouloir alléger les normes sur l'accessibilité revient à réduire la surface des logements, où est le progrès social? Réduire le logement à un produit financier risque également de fragiliser le tissu économique local dans le secteur du bâtiment qui sort juste de 10 ans de crise.

Hélène Devaux, psychosociologue, qui accompagne des projets d'habitat participatif, apporte son éclairage sur cette "3e voie", démarche citoyenne qui va dans le sens du projet social et collectif mais qui est encore un secteur de niche avec 600 projets en France. Les bailleurs sociaux accompagnent une centaine de projets d'habitat participatif en France.

Patrick Plossard, président de l'USH Normandie, après avoir rappelé la grande difficulté économique dans laquelle la baisse des APL et l'augmentation de la TVA plonge les bailleurs sociaux, a tendu la main aux architectes : "Nous devons faire cause commune pour maintenir le niveau de qualité des logements. Préservons nos maîtrise d'ouvrage sans les transférer à la VEFA.  Travaillons ensemble."

Sincèrement encouragés par les auditeurs et les intervenants à poursuivre les débats, le CROA Normandie entend faire de cette table ronde le premier événement d'une série de rencontres avec citoyens et professionnels pour réfléchir à la question du logement sur notre territoire.

 

 

 

Publié le 22.05.2018 - Modifié le 31.05.2018
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Table ronde 17 mai 2018 "Construire mieux?"