Plateformes numériques et droits de propriété intellectuelle de l’architecte

L’économie numérique a fait émerger de nouvelles plateformes sociales et d’intermédiation consacrées à l’architecture. La diffusion de l’œuvre architecturale par ces plateformes constitue un élément clé pour attirer les utilisateurs, posant la question des droits de propriété intellectuelle de l’architecte sur cet espace numérique.
Le secteur économique de l’architecture et de la construction a récemment été investi par de nombreuses plateformes numériques. Suite à la promulgation de la loi pour une République numérique, celles-ci sont définies comme les opérateurs en ligne proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
- Le classement ou le référencement, au moyen d'algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
- Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou de l'échange ou du partage d'un contenu, d'un bien ou d'un service.
Afin de figurer de manière optimale sur ces plateformes et de bénéficier éventuellement d’un référencement privilégié, les architectes sont souvent invités à enrichir leurs profils et leurs espaces par la production de contenus graphiques (plans, photos, coupes…). En l’absence de dispositions législatives spécifiques, les dispositions du Code de propriété intellectuelle s’appliquent à l’espace numérique.
L’attention des architectes qui souhaitent se référencer sur ces plateformes doit être attirée sur deux points principaux en matière de propriété intellectuelle :
1. Evaluer l’impact de la cession des droits d’exploitation à la plateforme
En s’inscrivant sur la plateforme, l’architecte lui cède généralement les droits de reproduction et d’exploitation de ses contenus par la mise en œuvre d’une clause figurant dans les conditions générales d’utilisation. La loi LCAP a modifié l’article L. 131-2 du Code de la propriété intellectuelle qui dispose que les contrats par lesquels sont transmis des droits d'auteur doivent être constatés par écrit. La cession des droits d’exploitation d’éléments architecturaux aux plateformes doit donc désormais respecter les conditions définies par l’article L131-3 du Code de la propriété intellectuelle.
La clause doit préciser obligatoirement l’identification de chacun des droits cédés, l’étendue des exploitations couvertes par la cession, son lieu d’exploitation, sa durée, ainsi que la rémunération de l’auteur,.
La cession de ces droits est le plus généralement réalisée à titre gratuit conformément à l’article L121-7 du Code de propriété intellectuelle. Il appartient à l’architecte de lire avec la plus grande attention les conditions générales afin de déterminer les conséquences en matière d’exploitation des visuels mis en ligne. Il convient notamment de vérifier l’étendue des droits d’exploitation, les plateformes pouvant se réserver dans leurs conditions générales le droit d’élargir l’utilisation des contenus à d’autres supports de publication (print ou numériques) et au-delà du territoire français. L’architecte veillera aussi à mesurer les impacts d’une cession éventuellement réalisée à titre exclusif au profit de la plateforme, puisqu’il pourrait par là-même réduire son champ d’exposition numérique.
2. S’assurer du droit de publier des contenus
Conformément à l’article 2 de la loi n°2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, c’est l’auteur d’un contenu publié sur Internet qui en assume la pleine responsabilité. Les plateformes étant considérées comme des hébergeurs, c’est l’architecte qui serait responsable de l’utilisation illicite d’un contenu protégé. Ce dernier doit donc veiller à disposer des droits suffisants pour procéder à la publication d’éléments graphiques par l’entremise de la plateforme.
L’article L. 121-7-1 du Code de propriété intellectuelle dispose que l’auteur est libre de mettre ses œuvres gratuitement à la disposition du public, sous réserve des droits des éventuels coauteurs et de ceux des tiers, ainsi que dans le respect des conventions qu’il a conclues.
Préalablement à la mise en ligne de contenus, l’architecte doit d’abord s’assurer qu’il n’a pas cédé par ailleurs de manière exclusive à un tiers (notamment le propriétaire de l’ouvrage) les droits de reproduction et de représentation des visuels qu’il va mettre en ligne. La diffusion de contenus sur lesquels l’architecte a cédé ses droits patrimoniaux est effectivement susceptible de poursuite pour contrefaçon.
Au-delà du champ d’exploitation qui a pu être défini dans le cadre du contrat de maitrise d’œuvre, le propriétaire pourra toujours s’opposer par la suite à la diffusion de contenus qui contreviendraient à son droit au respect de la vie privée et à son droit de propriété (articles 9 et 544 du Code civil). La jurisprudence de la Cour de cassation qui reconnait au propriétaire le droit de s’opposer à une utilisation qui lui cause un trouble anormal s’applique également à l’espace numérique.
Si l’architecte a confié à un autre professionnel la réalisation de photographies de ses ouvrages, il veillera à respecter pleinement les stipulations du contrat initial passé avec le photographe (accord de l’auteur, rémunération, format de reproduction…) ainsi que les droits moraux de ce dernier (droit au nom, droit au respect de l’œuvre) dans le cas où les photographies seraient considérées comme des œuvres originales.
- Publié le 07.06.2023 - Modifié le 07.06.2023
- Publié le 07.06.2023 - Modifié le 07.06.2023
- Publié le 07.06.2023 - Modifié le 07.06.2023
- Publié le 06.06.2023 - Modifié le 07.06.2023
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