Les autorisations d’urbanisme pendant la période d’urgence sanitaire

Pendant la période d’urgence sanitaire les collectivités sont autorisées à poursuivre l’instruction des autorisations d’urbanisme. Pour les services instructeurs qui ne sont pas en mesure de poursuivre leur activité, le gouvernement a prévu par ordonnance un mécanisme permettant de suspendre les délais d’instruction et les délais de recours.
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Pendant la période d’urgence sanitaire les administrations sont autorisées à poursuivre l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme. Pour les services instructeurs qui ne sont pas en mesure de poursuivre leur activité, le gouvernement a prévu par ordonnances un mécanisme permettant de suspendre les délais d’instruction et les délais de recours. Retour sur les différentes modifications intervenues (instruction, demande de pièces complémentaires, recours des tiers…)


1. Un mécanisme de suspension/report des délais autorisé par plusieurs ordonnances

L’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période avait instauré un dispositif de neutralisation de divers délais et avait défini pour cela une période juridiquement protégée du 12 mars 2020 jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois après la fin de l’état d’urgence (soit jusqu’au 23 juin 2020).

Pour tenir compte des demandes des acteurs du secteur de la construction qui reprochaient à l’ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 des prorogations de délais excessives risquant de paralyser la reprise économique, une ordonnance du 15 avril 2020 n° 2020-427 portant diverses dispositions en matière de délais pour faire face à l'épidémie de covid-19, a modifié une première fois le dispositif prévu par l’ordonnance du 25 mars 2020. La principale modification visait à supprimer le mois « tampon » qui suivait la fin de l’état d’urgence afin de ne pas retarder outre mesure l’instruction des demandes d’urbanisme. L’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 a étendu ce régime notamment aux autorisations de travaux dans les établissements recevant du public (ERP) et les immeubles de grande hauteur (IGH).

Une nouvelle modification est intervenue suite à la prorogation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020. Une ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 vient déconnecter la reprise des délais d’urbanisme de la notion de « fin de l’état d’urgence sanitaire ». L’objectif poursuivi est de neutraliser l’allongement de la durée de l’état d’urgence sanitaire afin qu’il soit sans incidence sur les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme. Concrètement grâce à cette dernière ordonnance modificative, les délais d’instruction des demandes d’autorisations d’urbanisme, des déclarations préalables et celui applicable à certains recours dirigés contre ces actes redémarreront à compter du 24 mai 2020.

Enfin, l’ordonnance n°2020-560 du 13 mai 2020 est venue dans le même esprit donner à la fin de la période juridiquement protégée la date fixe du 23 juin 2020.


2. Les dispositions propres au droit de l’urbanisme

2.1 Le point de départ des délais d’instruction

Le cas des demandes déposées avant le 12 mars 2020 : Le délai d’instruction applicable aux demandes d’autorisation d’urbanisme a été interrompu à partir du 12 mars 2020. Il recommencera à courir à partir du 24 mai 2020 pour la durée qui restait à courir le 12 mars 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).  

Le cas des demandes déposées entre le 12 mars et le 23 mai 2020 : Le point de départ du délai d’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme est reporté au 24 mai 2020. Le délai d’instruction commence à courir à compter du 24 mai 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

NB : Ce mécanisme s’applique aussi aux délais d’instruction des autorisations de travaux dans les ERP et IGH.

Tableau de synthèse :

Hypothèse

Principe

Application

Demande de permis de construire déposée en mairie le 04 mars 2020 (avant le 12 mars 2020)

Si l’instruction est suspendue pendant la période allant du 12 mars au 23 mai 2020, le délai d’instruction recommencera à courir le 24 mai 2020, amputé du temps d’instruction déjà écoulé

24 mai 2020 + délai d’instruction de 2 mois par exemple = 24 juillet 2020

 

Temps d’instruction écoulé avant le 12 mars = 8 jours

 

Date limite d’instruction = 16 juillet 2020 

Demande de permis de construire déposée en mairie le 24 mars 2020 (pendant l’urgence sanitaire)

Report complet du délai d’instruction à compter du 24 mai 2020

24 mai 2020 + délai d’instruction de 2 mois par exemple = date limite d’instruction

 

Soit le 24 juillet 2020 

 

2.2 Les consultations sollicitées dans le cadre de l’instruction : avis ou accord des personnes publiques, services ou commissions (ABF, CDSA…)

Lorsque le délai pour émettre l’avis ou l’accord n’a pas expiré avant le 12 mars 2020 (dossier reçu par l’instance consultée avant le 12 mars 2020) : le délai a été suspendu à partir du 12 mars 2020. Il recommencera à courir à partir du 24 mai 2020, pour la durée qui restait à courir le 12 mars 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

Lorsque le délai pour émettre l’avis ou l’accord aurait dû commencer à courir entre le 12 mars et le 23 mai 2020 (dossier reçu par l’instance consultée durant cette période) : le point de départ de ce délai est reporté au 24 mai 2020. Il commencera à courir pour la totalité de sa durée « réglementaire » à compter du 24 mai 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

2.3 Les demandes de pièces complémentaires

Après délivrance du récépissé, le service instructeur doit s’assurer que le dossier est complet. Si une ou plusieurs pièces viennent à manquer, l’administration doit en réclamer la communication dans le délai d'un mois à compter de la réception du dossier ou de son dépôt à la mairie.

Le cas des demandes d’autorisation incomplètes qui ont été déposées entre le 12 février et le 11 mars 2020 : Le délai d’un mois pour demander les pièces manquantes a été suspendu à partir du 12 mars 2020. Il recommencera à courir à partir du 24 mai 2020, pour la durée qui restait à courir le 12 mars 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

Le cas des demandes d’autorisation incomplètes qui ont été déposées entre le 12 mars et le 23 mai 2020 : Le point de départ du délai d’un mois pour demander les pièces manquantes est reporté au 24 mai 2020. Le délai commencera à courir à partir du 24 mai 2020 pour une durée d’un mois, soit jusqu’au 24 juin 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

2.4 L’affichage sur le terrain

L’article. R. 424-15 du code de l’urbanisme prévoit que l’autorisation d’urbanisme doit être affichée « sur le terrain, de manière visible de l'extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l'arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier.   

Le cas des autorisations d’urbanisme délivrées et affichées avant le 12 mars 2020 : Pour éviter tout risque de contestation de l’affichage, il est recommandé de le maintenir pour la période restant à courir à partir du 24 mai 2020 avec un minimum de 7 jours.

Le cas des autorisations d’urbanisme délivrées entre le 12 mars et le 23 mai 2020 : Pour que le délai de recours des tiers démarre automatiquement le 24 mai 2020, l’affichage sur le terrain doit avoir été réalisé (et doit être maintenu pour une durée continue de deux mois) au plus tard le 23 mai 2020.

Attention : Pour éviter tout risque de contestation de l’affichage, il est recommandé de le maintenir à compter du 24 mai 2020 pour une période de 2 mois.

2.5 Le droit de retrait

Aux termes de l’article L.424-5 du code de l’urbanisme, les décisions d’urbanisme illégales ne peuvent être retirées par l’administration que dans le délai de 3 mois suivant la date de ces décisions (soit la signature en cas de décision explicite soit naissance de l’autorisation tacite).

Le cas du délai de retrait en cours au 12 mars 2020 : Le délai de retrait est suspendu à partir du 12 mars 2020. Il recommence à courir pour la durée restante à compter du 24 mai 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

Le cas du délai de retrait qui aurait dû commencer à courir entre le 12 mars et le 24 mai 2020 : Le point de départ du délai est reporté à compter du 24 mai 2020 (article 12 ter de l’ordonnance n°2020-306).

NB : Dans chacun de ces cas, l’administration devra, avant l’expiration du délai de retrait, avoir respecté une procédure contradictoire ayant mis le pétitionnaire à même de présenter ses observations.

2.6 Les délais laissés par l’administration pour effectuer des contrôles et travaux

Les délais laissés par l’administration, à toutes personnes pour effectuer des contrôles et travaux sont suspendus jusqu’à la fin de l’état d’urgence sanitaire majoré d’un mois, soit le 23 juin 2020.

NB : Cette suspension n’est possible que si ces délais ne résultent pas d'une décision de justice.

Lorsque ce délai n’a pas expiré avant le 12 mars 2020 : il est suspendu à cette date jusqu’au 23 juin 2020 (article 8 de l’ordonnance n°2020-306).

Lorsque ce délai aurait dû commencer à courir entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 : le point de départ est reporté au 24 juin 2020 (article 8 de l’ordonnance n°2020-306).

2.7 Le délai de validité des autorisations d’urbanisme

Un mécanisme de prorogation du délai de validité des autorisations d’urbanisme a été instauré (notamment pour les permis de construire, d’aménager, de démolir et les déclarations préalables).

Le cas des autorisations d’urbanisme dont le terme arrive à échéance entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 : Elles bénéficient d’une prorogation de plein droit (c’est-à-dire automatique) d’une durée de 3 mois suivant la fin de cette période soit jusqu’au 23 septembre 2020 (article 3 de l’ordonnance n°2020-306).

Le cas des autorisations d’urbanisme dont le terme arrive à échéance en dehors de la période allant au 12 mars au 23 juin 2020 : Elles ne bénéficient pas de cette prorogation de plein droit les autorisations (article 3 de l’ordonnance n°2020-306).


3. Les dispositions propres au droit de recours

3.1 Le délai de recours contre les autorisations d’urbanisme accordées :

L’article R. 600-2 du code de l’urbanisme prévoit que le délai de recours contentieux court à l'égard des tiers à compter du premier jour d'une période continue de deux mois d'affichage sur le terrain.

Le cas des délais de recours qui n’ont pas expiré avant le 12 mars 2020 : Ils sont suspendus, à compter du 12 mars 2020. Ils reprendront leurs cours là où ils s'étaient arrêtés à partir du 24 mai 2020, tout en sanctuarisant un minimum de 7 jours pour permettre aux justiciables de saisir la juridiction administrative (article 12 bis de l’ordonnance n°2020-306).

Le cas des délais de recours qui auraient dû commencer à courir durant la période comprise entre le 12 mars 2020 et le 24 mai 2020 : le point de départ du délai de recours est intégralement reporté à partir du 24 mai 2020 (article 12 bis de l’ordonnance n°2020-306).

NB : Les recours gracieux des tiers et les déférés préfectoraux sont également concernés par ces règles de calcul des délais.

Tableau de synthèse :

Hypothèse

Principe

Application

Le délai de recours (2 mois) débute le 04 mars 2020

(Affichage du permis le 4 mars 2020)

Suspension du délai de recours pendant la période allant du 12 mars au 23 mai 2020 qui recommencera à courir le 24 mai 2020, amputé du temps écoulé avant le 12 mars 2020

24 mai 2020 + délai de recours de 2 mois = 24 juillet 2020

 

Temps écoulé avant le 12 mars = 8 jours

 

Date limite délai de recours = 17 juillet 2020 

Le délai de recours (2 mois) débute le 24 mars 2020

(Affichage du permis le 24 mars 2020)

Délai de recours intégralement reporté au 24 mai 2020

24 mai 2020 + délai de recours de 2 mois = date limite délai de recours

 

Soit le 25 juillet 2020 

Le délai de recours (2 mois) devait s’achever le 13 mars 2020

(Affichage du permis le 12 janvier 2020)

Délai de recours restant + un délai de 7 jours à partir du 24 mai permettant un justiciable de saisir un tribunal

Délai de recours restant avant entrée en vigueur de l’état de la période de référence = 2 jours (non applicable car inférieur à 7 jours)

 

Donc 7 jours à partir du 24 mai pour saisir le tribunal =

date limite délai de recours

 

Soit le 30 mai 2020 

 

3.2 Le délai de recours contre les autres décisions

Cela concerne notamment les recours dirigés contre les demandes de pièces complémentaires, les notifications de délais majorés, les sursis à statuer, les refus d’autorisation, les oppositions aux travaux déclarés ou les avis défavorables de l’ABF.

Les délais de recours dont l’échéance intervient entre le 12 mars et le 23 juin 2020 bénéficient d’une prorogation. Ils recommencent à courir à compter du 24 juin 2020 pour le délai légalement imparti dans la limite de 2 mois soit jusqu’au 24 août 2020 (article 2 de l’ordonnance n°2020-306).

 

Publié le 24.04.2020 - Modifié le 27.05.2020
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