Le maire peut-il signer un arrêté avant le second tour des élections municipales ?

Dans l'attente de organisation du 2nd tour des élections municipales, se pose la question de la continuité du service public et notamment de la délivrance des autorisations d’urbanisme pendant la période d’état d’urgence sanitaire.
mairie de Valros

Alors que certains maires demandent au gouvernement l’organisation du second tour des élections municipales à la fin du mois de juin, se pose aujourd’hui la question de la continuité du service public et notamment de la délivrance, par le maire en exercice avant le 1er tour, des autorisations d’urbanisme pendant la période d’état d’urgence sanitaire.


1. Les règles de fonctionnement en période normale - la gestion des affaires courantes

En période normale, l’entre-deux tours des municipales résonne comme une période pendant laquelle l’activité des conseils municipaux est réduite à la gestion des affaires courantes (article L.5211-8 CGCT) jusqu’à l’installation du nouveau conseil.

Aucun texte ne définit expressément cette notion « d’affaires courantes ». La jurisprudence administrative considère que relèvent de cette notion, « les mesures nécessaires pour assurer la continuité du service public » (CE, 21 mai 1986, Société Schlumberger, n° 56848). La doctrine quant à elle définit les affaires courantes comme celles « pour le règlement desquelles il n'y a pas de possibilité réelle de choix, si bien qu'on peut penser qu'il n'y a pas de risque de divergences de vues entre l'autorité désinvestie et celle qui lui succédera ».

La signature d’un arrêté de permis de construire relève-t-elle des affaires courantes ?

Même si la jurisprudence considère qu’un projet de construction peut rentrer dans la notion d’affaires courantes (TA Rennes, 10 juillet 1985, n°831366), il semble délicat d’affirmer qu’un projet d’envergure ou médiatique recevrait la même réponse de la part du juge.


2. Des règles spécifiques pour s’adapter à la période d’état d’urgence sanitaire - la gestion pleine et entière de l’ensemble des questions pouvant se présenter en vue du bon fonctionnement des services publics locaux 

Pour faire face à la situation du coronavirus, le législateur a décidé que la gestion des affaires locales dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire ne se limitait pas à la gestion des affaires courantes, et qu’elle devait s’entendre comme une gestion pleine et entière de l’ensemble des questions pouvant se présenter, en vue du bon fonctionnement des services publics locaux.

L'article 19 de la loi n°2020-290 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 prévoit la prorogation des mandats des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains de Lyon en exercice avant le premier tour, jusqu'à l'entrée en fonction des conseillers municipaux élus au premier tour dans les communes pour lesquelles le conseil municipal a été élu au complet, et jusqu'au second tour dans les communes pour lesquelles le conseil municipal n'a pas été élu au complet.

Cela signifie que les assemblées délibérantes locales en exercice avant le premier tour des élections continuent à délibérer de manière régulière sur l’ensemble des questions jusqu'à l'installation des nouveaux conseils municipaux et des conseils communautaires (comme l'a précisé le ministre de l'intérieur dans sa circulaire du 27 mars 2020 relative à la prorogation des mandats).

Au regard de ce qui précède, un maire peut donc signer un arrêté de permis pendant la période d’état d’urgence sanitaire alors même que le second tour des élections municipales n’a pas eu lieu et que le conseil municipal n’est pas renouvelé.

L’application même des règles d’instruction, qui n’ont pas modifiées sur ce point, confirment cette position. Rappelons qu’en l’absence d’une décision dans le délai d'instruction, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, sauf exception, permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. On imagine mal que le législateur ait souhaité priver les exécutifs locaux de leur compétence en matière d’urbanisme en leur refusant toute appréciation sur les projets soumis à la délivrance de permis de construire. 

A noter : Les assemblées délibérantes sont par ailleurs autorisées, pendant la durée de l'état d'urgence sanitaire, à se réunir par téléconférence dans les conditions prévues par l'ordonnance n° 2020-391.

A noter : Pour assurer la continuité du fonctionnement des institutions locales et l’exercice des compétences des collectivités locales, l’ordonnance n° 2020-391 du 1er avril 2020 a donné aux exécutifs locaux des délégations d’office dans la quasi-totalité des matières pouvant habituellement faire l’objet de délégations de la part des assemblées délibérantes. Il s’agit donc d’attributions supplémentaires par rapport à celles que les exécutifs locaux détenaient avant le premier tour, ce qui confirme que les textes n'ont pas prévu la réduction des prérogatives des élus mais est bien de leur donner toutes les facultés d’action nécessaires à la conduite des politiques publiques en temps de crise.

L’article 1er de l’ordonnance n°2020-391 prévoit ainsi des délégations d’office aux exécutifs locaux dans toutes les matières pouvant habituellement faire l’objet de délégations de la part des assemblées délibérantes, à l’exception des délégations en matière d'emprunt Une obligation de rendu-compte aux organes délibérants, au fil de l’eau et à chacune de leur réunion, est également introduite
 

>> Sources juridiques :

Publié le 19.05.2020
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(© photo : MC Lucat / source : Archicontemporaine.org)
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