La loi ELAN est promulguée

La loi ELAN a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018. Au motif de construire plus, mieux et moins cher, cette loi démantèle certaines règles protectrices garantes de la qualité des constructions publiques.
39 logements collectifs et intermédiaires

La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (loi ELAN) a été publiée au Journal Officiel du 24 novembre 2018.

  1. Elle modifie la loi MOP du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée
  2. Elle supprime l’obligation de concours pour bailleurs sociaux et les CROUS
  3. Elle généralise la conception-réalisation
  4. Elle réduit le champ d’intervention des architectes
  5. Elle réduit le rôle des ABF

1. Démantèlement de la loi MOP par la restriction de son champ d’application

a- L’article 4-VIII de la loi ELAN modifie l’article 1er de la loi MOP pour exclure de son champ d’application « les ouvrages d’infrastructure situés dans le périmètre d’une opération d’intérêt national ou d’une grande opération d’urbanisme »
⇒​ Cette nouvelle exclusion est entrée en vigueur le 24 novembre 2018

b- L’article 88-VI exonère les bailleurs sociaux du respect de la loi MOP en procédant de 2 façons :
- Les bailleurs sociaux ne sont tenus d’appliquer la loi MOP que pour la réalisation de logements à usage locatif aidés par l’Etat ¢ Lorsqu’ils réalisent d’autres types de logements (accession à la propriété) ou d’autres bâtiments, la loi MOP ne s’applique pas.
- Lorsqu’ils réalisent des logements locatifs aidés par l’Etat, les bailleurs sociaux ne sont soumis à la loi MOP que partiellement puisque son titre II ne s’applique pas.

Les bailleurs sociaux concernés par la loi ELAN sont :
¡ Les organismes d’habitation à loyer modéré mentionnés à l’article L.411-2 du CCH :
- les offices publics de l’habitat qui sont des établissements publics industriels et commerciaux
- les sociétés anonymes d'habitations à loyer modéré
- les sociétés anonymes coopératives de production et les sociétés anonymes coopératives d'intérêt collectif d'habitations à loyer modéré
- les fondations d'habitations à loyer modéré
¡i Les sociétés d'économie mixte agréées en vue d'exercer une activité de construction et de gestion de logements sociaux (article L.481-1 du CCH).

Rappel des principes fondamentaux de la loi MOP
Titre I
- L’organisation de la maîtrise d’ouvrage et ses missions
- L’obligation de programmation préalable
Titre II
- La définition de la maîtrise d’œuvre et ses objectifs
- Le principe de séparation entre conception et réalisation
 Le caractère insécable de la mission de base pour les ouvrages de bâtiments
 La fixation du cadre contractuel : nature forfaitaire de la rémunération, engagements du maître d’œuvre

Conséquences de la sortie du titre II de la loi MOP
Les bailleurs n’auront plus à respecter :
- La définition de la maîtrise d’œuvre et ses objectifs
- Le principe de séparation entre conception et réalisation
- Le caractère insécable de la mission de base pour les ouvrages de bâtiments
- La fixation du cadre contractuel : nature forfaitaire de la rémunération, engagements du maitre d’œuvre

⇒​ L’article 88-VI est d’application immédiate.
 

2. Suppression de l’obligation de concours pour les bailleurs sociaux et les CROUS

L’article 88-VII modifie l’article 5-1 de la loi du 3 janvier 1977 sur l’architecture pour exclure les bailleurs sociaux et les CROUS de l’obligation d’organiser un concours lorsque le montant du marché de maîtrise d’œuvre ayant pour objet la construction d’un bâtiment est supérieur au seuil de 221 000 euros HT.

Définition du concours
Le concours est un mode de sélection par lequel l’acheteur choisit, après mise en concurrence et avis du jury, un plan ou un projet, notamment dans le domaine de l'aménagement du territoire, de l'urbanisme, de l'architecture et de l'ingénierie ou du traitement de données (article 8 de l’ordonnance du 23 juillet 2015).

Avant la loi ÉLAN, le concours était obligatoire pour tous les acheteurs soumis à la loi MOP, lorsque le montant du marché était supérieur au seuil européen (article 90-II du décret MP)

Article 5-1 modifié par la loi ELAN du 23 novembre 2018
Les maîtres d'ouvrage publics et privés favorisent, pour la passation des marchés de maîtrise d'œuvre ayant pour objet la réalisation d'un ouvrage de bâtiment, l'organisation de concours d'architecture, procédure de mise en concurrence qui participe à la création, à la qualité et à l'innovation architecturales et à l'insertion harmonieuse des constructions dans leur milieu environnant.
Le concours d'architecture peut comporter une phase de dialogue entre le jury et les candidats permettant de vérifier l'adéquation des projets présentés aux besoins du maître d'ouvrage.
Les maîtres d'ouvrage soumis à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d'œuvre privée, à l’exception des organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de lhabitation, des sociétés d’économie mixte mentionnées à l’article L. 4811 du même code pour leur activité agréée ainsi que des centres régionaux des œuvres  universitaires et scolaires définis à larticle L. 8223 du code de l’éducation, y recourent pour la passation des marchés de maîtrise d'œuvre ayant pour objet la réalisation d'un ouvrage de bâtiment, dans des conditions fixées par décret.

⇒​ Cette restriction n’est pas d’application immédiate. Il est nécessaire de modifier l’article 90 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics pour prendre en compte les nouvelles règles issues de la loi ELAN.
 

3. Généralisation de la conception-réalisation

L’article 69-I de la loi ELAN modifie l’article 33-II de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et l’article 18-I de la MOP pour permettre une utilisation massive de la conception-réalisation.

Article 33 de l’ordonnance n°2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics
I.- Les acheteurs peuvent conclure des marchés publics de conception-réalisation qui sont des marchés publics de travaux permettant à l'acheteur de confier à un opérateur économique une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux.
Toutefois, sans préjudice des dispositions législatives spéciales, les acheteurs soumis aux dispositions de la loi du 12 juillet 1985 susvisée ne peuvent recourir à un marché public de conception-réalisation, quel qu'en soit le montant, que si des motifs d'ordre technique ou un engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un tel marché public est confié à un groupement d'opérateurs économiques. Il peut toutefois être confié à un seul opérateur économique pour les ouvrages d'infrastructures.

II. – Les conditions mentionnées au second alinéa du I ne sont pas applicables aux marchés publics de conception-réalisation relatifs à la réalisation de logements locatifs aidés par l’Etat financés avec le concours des aides publiques mentionnées au 1° de l’article L. 301-2 du code de la construction et de l’habitation, lorsqu’ils sont conclus par les organismes d’habitations à loyer modéré mentionnés à l’article L. 411-2 du même code et les sociétés d’économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux, soumis aux dispositions de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 précitée, ainsi que, jusqu’au 31 décembre 2021, par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires définis à l’article L. 822-3 du code de l’éducation.

Article 18-I de la loi MOP modifié
I-Nonobstant les dispositions du titre II de la présente loi, le maître de l'ouvrage peut confier par contrat à un groupement de personnes de droit privé ou, pour les seuls ouvrages d'infrastructure, à une personne de droit privé, une mission portant à la fois sur l'établissement des études et l'exécution des travaux, lorsque des motifs d'ordre technique ou d'engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique ou la construction d'un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur rendent nécessaire l'association de l'entrepreneur aux études de l'ouvrage. Un décret précise les conditions d'application du présent alinéa en modifiant, en tant que de besoin, pour les personnes publiques régies par le code des marchés publics, les dispositions de ce code.

⇒ Ces nouvelles dispositions sont d’application immédiate

Avant la publication de la loi ELAN
Le principe essentiel posé par la loi MOP qui repose que la distinction entre la fonction de maître d’œuvre et celle de l’entrepreneur chargé de la réalisation de l’ouvrage trouvait encore à s’appliquer, même si la loi MOP prévoyait quelques dérogations qui se sont étendues au fil des années :
Ainsi, il fallait justifier de « motifs d’ordre technique » ou d’un « engagement contractuel sur un niveau d'amélioration de l'efficacité énergétique » (article 18-I de la loi MOP)
Ou par exception, outre les autorisations sectorielles d’utiliser cette procédure librement pour le secteur de la santé, de la sécurité, etc. la conception-réalisation pouvait être utilisée librement par les bailleurs sociaux jusqu’au 31 décembre 2018.

Conséquences de la loi ELAN
- Les bailleurs sociaux peuvent utiliser librement la conception-réalisation : cette procédure devient une procédure de droit commun dans le cadre de la réalisation de logements sociaux
- Les CROUS peuvent l’utilise librement =mais jusqu'au 31 décembre 2021
- Il sera possible d’utiliser la conception-réalisation pour la construction d’un bâtiment neuf dépassant la réglementation thermique en vigueur
 

4. Réduction du champ d’intervention des architectes

a- Les coopératives d’utilisation de matériel agricole (les CUMA) sont dispensées de recours à un architecte
L’article 63 de la loi Elan dispense les coopératives d’utilisation de matériel agricole (les CUMA) du recours à l’architecte pour toute opération de constructions dont la surface de plancher est inférieure à 800 m²

L’article 63 du projet de loi ELAN modifie :
- l’article 4 de la loi sur l’architecture : « Par dérogation à l'article 3 ci-dessus, ne sont pas tenues de recourir à un architecte les personnes physiques ou exploitations agricoles et les coopératives d’utilisation de matériel agricole qui déclarent vouloir édifier ou modifier, pour elles-mêmes, une construction de faible importance dont les caractéristiques, et notamment la surface maximale de plancher, sont déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces caractéristiques peuvent être différentes selon la destination des constructions ».
- l’article L.431-3 du code de l’urbanisme qui se réfère à l’article 4 de la loi sur l’architecture

⇒ L’article 63 est entré en vigueur le 24 novembre 2018

b- Intervention des paysagistes concepteurs dans l’élaboration du PAPE d’un permis d’aménager
Actuellement le recours à l’architecte est obligatoire pour l’établissement du projet architectural et paysager (PAPE) d’un permis d’aménager d’un terrain d’une surface supérieure à 2500 m²
L’article 2 de la loi Elan prévoit qu’un aménageur pourra également faire appel à un paysagiste concepteur.

L’article 174 de la loi n° 2016‑1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages protège le titre de paysagiste concepteur.
La liste nationale des paysagistes concepteurs est consultable sur le site du Ministère de la Transition Ecologique et Solidaire 
https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/politique-des-paysages#e7

⇒​ L’article 2 est entré en vigueur le 24 novembre 2018
 

5. Réduction du rôle des ABF

L’article 56-IV de la loi ELAN créé un nouvel article L.632-2-1 du code du patrimoine.
Cet article s’insère dans le chapitre relatif aux travaux situés dans un site patrimonial remarquable. Par principe, ces travaux doivent être soumis à l’accord de l’ABF
Le nouvel article L.632-2-1 créé une dérogation pour certaines catégories de travaux situés dans le périmètre des sites patrimoniaux remarquables : dans ce cas, seul l’avis de l’ABF est requis.
Les travaux concernés sont :
- La pose d’antennes relais de radiotéléphonie mobile ou de diffusion du très haut débit par voie hertzienne et leurs systèmes d’accroche ainsi que leurs locaux et installations techniques ;
- Des travaux réalisés sur des immeubles à usage d’habitation insalubres, menaçant ruine ou ayant fait l’objet d’un arrêté de péril (démolition)

L’article 56-IV est entré en vigueur le 24 novembre 2018

 

Publié le 27.11.2018 - Modifié le 27.11.2018
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Si je comprend bien et constate les faits, l'Ordre a été roulé dans la farine et ses inerventions n'ont servi à rien ! Encore une fois cela démontre la toute puissance des gros promoteurs de la construction et des grosses entreprises qui n'utiliseront les architectres que pour leurs rôles très limités dans l'instruction des permis de construire ! Pauvre France ...

 

(© photo : Philippe Ruault / source : Archicontemporaine.org)
39 logements collectifs et intermédiaires à Sedan - Philippe Gibert arch.