Défaillances d’entreprises : que faire ?

En marché privé ou en marché public, les réflexes à adopter et les règles à suivre.
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En marché privé

Très fréquemment, le maître d’ouvrage a recours à l’entreprise la moins disante, qui est souvent celle qui connaît déjà des difficultés financières, et qui n’a plus les moyens de payer des ouvriers qualifiés et de faire encadrer son personnel.

Pour gérer la défaillance d’une entreprise sur le chantier, quelques réflexes simples sont à adopter.

 

         ■ L’anticipation des événements

 

Afin de prouver que l’architecte assume correctement sa mission de direction de chantier, il doit déceler les problèmes suffisamment tôt.

Les signes pouvant alerter sont les suivants : retards d’approvisionnements, absences répétées d’encadrement aux rendez-vous de chantier, tentatives d’obtention de règlement direct auprès du maître d’ouvrage.

Face à de telles alertes, il est opportun de :

  • préparer le maître d’ouvrage à la défaillance de l’entreprise ;
  • commencer à rechercher de nouvelles entreprises, susceptibles de prendre efficacement le relais.

 

      ■ La réactivité en cas de constat d’absence sur le chantier

 

Dès la première absence sur le chantier, il est conseillé à l’architecte de provoquer un rendez-vous avec l’entreprise défaillante pour cerner les difficultés à venir.

Parallèlement, il est utile de s’informer de l’état de l’entreprise sur https://www.infogreffe.fr/ ou https://www.societe.com/ afin d’anticiper toute procédure collective.

Deux hypothèses sont alors à distinguer :

 

  • Si l’entreprise défaillante est en procédure collective

L’architecte doit alerter le maître d’ouvrage par écrit de la situation et l’inviter à mettre en demeure le mandataire judiciaire désigné par le Tribunal, afin de connaître le sort du contrat en cours.

En effet, en cas de redressement judiciaire d’une entreprise, c’est au mandataire judiciaire de décider de la poursuite ou non du marché.

En cas de mise en demeure restée infructueuse pendant 1 mois, le contrat est réputé résilié de plein droit.

Il est alors souhaitable de convoquer, aux fins de constat contradictoire des travaux exécutés, le mandataire judiciaire, en présence de l’architecte, du maître d’ouvrage et d’un huissier de justice.

 

  • Si l’entreprise défaillante n’est pas en procédure collective 

L’architecte doit adresser à l’entreprise prise en défaut une mise en demeure, avec copie au maître d’ouvrage, en courrier recommandé avec accusé de réception ainsi que par mail et télécopie, de reprendre les travaux sous 24 heures.

Si cette mise en demeure reste sans effet à l’issue de ce délai, le maître d’ouvrage devra adresser une nouvelle mise en demeure à l’entreprise de reprendre les travaux, selon les termes du marché, sous un délai de 8 jours.

Cette mise en demeure sera claire sur les sanctions attachées à une absence de reprise du chantier dans le délai indiqué :

  • résiliation du marché ;
  • reprise des malfaçons et non-conformité ;
  • poursuite de la mission par une autre entreprise, aux frais et périls de l’entreprise défaillante.

À l’expiration de ce nouveau délai, le maître d’ouvrage prendra l’initiative d’envoyer à l’entreprise une lettre de résiliation du marché pour inexécution fautive, en courrier recommandé avec AR, qui portera également convocation de l’entreprise défaillante à un constat contradictoire des désordres établi par huissier de justice.

Lors de cet ultime entretien seront constatés par l’huissier assisté de l’architecte :

  • l’avancement des travaux exécutés ;
  • un reportage photographique de l’état du chantier au moment de la résiliation.

À ce stade, l’architecte devra conseiller au maître d’ouvrage de faire une déclaration de sinistre auprès de l’assureur de l’entreprise défaillante.

 

         ■ La reprise des travaux

 La mission de l’architecte se poursuit avec la reprise des travaux. Quelques formalités restent à remplir.L’architecte produit un bordereau estimatif et quantitatif des travaux restant à exécuter (CCTP), et des reprises d’ouvrage éventuelles.

Parallèlement, l’architecte doit organiser une nouvelle consultation d’entreprises (au moins 2), et informer dès ce stade le maître d’ouvrage des surcoûts engendrés par cette opération.

Une fois les prix de l’entreprise de substitution retenue par le maître d’ouvrage connus, l’architecte préparera un compte de résiliation, en intégrant au débit de l’entreprise défaillante, le coût des reprises des malfaçons et non conformités.

Ce compte de résiliation sera notifié en recommandé par le maître d’ouvrage à l’entreprise ou au mandataire.

Parallèlement, un nouveau marché sera signé entre le maître d’ouvrage et l’entreprise remplaçante, dont l’architecte aura préalablement vérifié la couverture assurance et la solvabilité.

Enfin, l’architecte établira les ordres de service de reprise des travaux pour l’entreprise de substitution, que le maître d’ouvrage devra signer avant toute intervention, portant mentions du nouveau marché et des délais d’exécution préalablement validés par le maître d’ouvrage.

 

En marché public

 

En marché public, les modalités de gestion par la maîtrise d’œuvre et l’acheteur public sont totalement régies par la CCAG (cahier des clauses administratives générales) Travaux, comme suit :

 

Article 46. 3. 1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants :


a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires, relatives au travail ou à la protection de l'environnement ;


b) Le titulaire a refusé de représenter ou de restituer des bâtiments, terrains, matériels, produits de construction, équipements et approvisionnements qui lui ont été confiés, ou il a dégradé ou utilisé de manière abusive ces bâtiments, terrains, matériels, objets et approvisionnements ;


c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48. 4 à 48. 7 s'appliquent ;

Une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. 

 

47.2.1. En cas de résiliation du marché, une liquidation des comptes est effectuée. Le décompte de liquidation du marché, qui se substitue au décompte général prévu à l'article 13.4.2, est arrêté par décision du représentant du pouvoir adjudicateur et notifié au titulaire.

 

47.2.2. Le décompte de liquidation comprend :

a) Au débit du titulaire :

- le montant des sommes versées à titre d'avance et d'acompte ;

- la valeur, fixée par le marché et ses avenants éventuels, des moyens confiés au titulaire que celui-ci ne peut restituer ainsi que la valeur de reprise des moyens que le pouvoir adjudicateur cède à l'amiable au titulaire ;

- le montant des pénalités ;

- le cas échéant, le supplément des dépenses résultant de la passation d'un marché aux frais et risques du titulaire dans les conditions fixées à l'article 48.

b) Au crédit du titulaire :

- la valeur contractuelle des travaux exécutés, y compris, s'il y a lieu, les intérêts moratoires ;

- le montant des rachats ou locations résultant de l'application de l'article 47.1.3 ;

- le cas échéant, le montant des indemnités résultant de l'application des articles 46.2 et 46.4.

 

47.2.3. Le décompte de liquidation est notifié au titulaire par le pouvoir adjudicateur, au plus tard deux mois suivant la date de signature du procès-verbal prévu à l'article 47.1.1. Cependant, lorsque le marché est résilié aux frais et risques du titulaire, le décompte de liquidation du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Dans ce cas, il peut être procédé à une liquidation provisoire du marché, dans le respect de la règlementation en vigueur.

 

48.1. A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit.


Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure.

48.2. Si le titulaire n'a pas déféré à la mise en demeure, la poursuite des travaux peut être ordonnée, à ses frais et risques, ou la résiliation du marché peut être décidée.

48.3. Pour assurer la poursuite des travaux, en lieu et place du titulaire, il est procédé, le titulaire étant présent ou ayant été dûment convoqué, à la constatation des travaux exécutés et des approvisionnements existants ainsi qu'à l'inventaire descriptif du matériel du titulaire et à la remise à celui-ci de la partie de ce matériel qui n'est pas utile à l'achèvement des travaux.
Dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision de poursuite des travaux, en lieu et place du titulaire, ce dernier peut être autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux s'il justifie des moyens nécessaires pour les mener à bonne fin.
Après l'expiration de ce délai, la résiliation du marché est prononcée par le représentant du pouvoir adjudicateur.

 

48.4. En cas de résiliation aux frais et risques du titulaire, les mesures prises en application de l'article 48.3 sont à la charge de celui-ci. Pour l'achèvement des travaux conformément à la réglementation en vigueur, il est passé un marché avec un autre entrepreneur. Ce marché de substitution est transmis pour information au titulaire défaillant. Par exception aux dispositions de l'article 13.4.2, le décompte général du marché résilié ne sera notifié au titulaire qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux.

 


48.5. Le titulaire, dont les travaux font l'objet des stipulations des articles 48.2 et 48.3, est autorisé à en suivre l'exécution sans pouvoir entraver les ordres du maître d'œuvre et de ses représentants.
Il en est de même en cas de nouveau marché passé à ses frais et risques.

 

 

 

Publié le 20.07.2017 - Modifié le 24.07.2017
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