"Concevoir une ville résiliente et durable", par Catherine Jacquot

"La conception premier enjeu d’un bâtiment durable" : introduction de la table ronde internationale prononcée par Catherine Jacquot le 30 novembre à la Cité de l'architecture et du Patrimoine

Je salue le président de l’union Internationale des architectes, le président du conseil des architectes d’Europe,
chers architectes , chers tous,

Le réchauffement climatique a t-il la même signification dans les immenses bidonvilles  en périphérie des villes africaines que dans les banlieues des villes européennes, sur les côtes du Bengla Desh ou sur le pourtour de la Méditerranée ? Non sans doute car les changements du climat vont toucher encore plus durement ceux qui sont pauvres et démunis. Aussi est-ce réellement à nous, pays développés, qui avons déjà largement exploité et profité des ressources naturelles de la planète de donner l’exemple de la sobriété dans la consommation de l’énergie et de l’efficacité dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

La pauvreté, encore accrue par la diminution des terres cultivables et la raréfaction de l’eau potable, provoquera des migrations de population qui ont déjà commencé comme on le voit notamment en Afrique sub saharienne. La lutte contre la pauvreté est indissociable de la lutte contre le réchauffement climatique.

Dans les pays développés économiquement, la réduction de l’émission des gaz à effet de serre et la sobriété énergétique va conduire à des changements de paradigme dans nos modes de vie et dans la manière de concevoir et de construire notre cadre de vie.

Une appréhension différente de la géographie et de l’histoire de nos territoires et de nos villes prévaudra dans l’aménagement de nos territoires et de nos villes.

Certaines  indifférences n’auront plus cours :

L’indifférence au  sol, à la terre, au foncier, l’indifférence à l’air, à l’atmosphère, l’indifférence à l’eau, à la biodiversité….

La ville du XXeme siècle : un modèle obsolète

Une logique de consommation sans limite des terres naturelles a conduit à un modèle d’urbanisation extrêmement dispendieux  sur le plan écologique.

Nous avons construit en France et ailleurs des villes et des quartiers avec un programme qui reposait sur la performance des déplacements automobiles. Au XXème siécle, les infrastructures ont façonné notre territoire.

La ville durable participe d’un écosystème qui se reconstruit sur lui-même. Elle recycle son bâti et intègre son patrimoine dans une économie circulaire. Elle intègre aux constructions une nature vivante,  faune et flore respectée dans leur biodiversité et met des limites claires à son extension. Elle se densifie sur elle-même et choisit ses terrains d’expansion en fonction de règles urbaines rigoureuses définies par les impératifs de la préservation écologique et de l’économie de l’énergie.

Les acteurs de l’acte de bâtir, les concepteurs de la ville et de l’aménagement des territoires, les architectes ont une grande responsabilité dans ce changement majeur de paradigme de la ville qui va transformer les usages et les modes de vie. Si les bâtiments neufs vont non seulement ne plus consommer d’énergie mais en produire, l’enjeu est la rénovation du patrimoine existant pour diminuer drastiquement les consommations liées au chauffage, à la climatisation et à la consommation d’électricité et de gaz.

En France, la loi de programmation sur la transition énergétique a été votée au mois de Juillet 2015. Ses objectifs ambitieux mettent le bâtiment au cœur du dispositif. A l’horizon 2030, la réduction des émissions de gaz à effets de serre devra être réduite de 40%, la consommation des énergies fossiles  devra diminuer de 30% et la part des énergies renouvelables atteindre 32% de la consommation globale au dépens notamment du nucléaire. L’objectif final est de diviser par deux la consommation globale d’énergie en 2050.

Pour atteindre ces objectifs, les mesures prises sont financières et réglementaires. Sont également mises en place des mesures en faveur de la recherche, de l’innovation et de la formation professionnelle.

Le développement des techniques utilisées au service de l’économie durable est indispensable: l’isolation thermique des bâtiments, le renouvellement d’air, les transports propres, la production d’énergies renouvelables, le recyclage des déchets…

Les techniques numériques par la mise en place d’un contrôle précis des consommations énergétiques des bâtiments mais aussi des transports, par le télé travail peut permettre d’accroitre le confort des habitants tout en diminuant les consommations.

La révolution numérique dont nous ne vivons actuellement que les prémisses va accompagner ces évolutions et nous devons penser comment vont s’articuler les deux révolutions  écologique et numérique.

Car la transition énergétique ne peut être mise en marche à l’échelle d’une société qu’avec l’utilisation de techniques, aussi performantes soit-elle. La Smart City est un modèle bien pauvre de la ville de demain si ne sont pas prises en compte la valeur architecturale et patrimoniale de la ville, l’urbanité, le Genius loci, creuset  de ce qui fonde identité et bien vivre ensemble.

Les architectes avec tous les acteurs de la conception (paysagistes, urbanistes, sociologues, géographes) ont la mission d’inventer des bâtiments et d’aménager des quartiers de ville et des territoires qui deviendront des lieux de vie pour nos concitoyens. Les élus et les maitres d’ouvrages auront avec nous la responsabilité d’aménager une ville durable, ouverte, mixte et conviviale. Cela se fera, si tous les citoyens ont le même accès à un logement économe et aux espaces et équipements publics que la démocratie leur octroie de droit.

Car comment une société peut-elle apprendre à habiter autrement si les citoyens ne sont pas pleinement associés à ce qui va transformer leur Habitus, leur habitudes autant que leur habitat ?

Catherine Jacquot
Présidente du Conseil nationale de l'Ordre

 

Publié le 02.12.2015 - Modifié le 02.12.2015
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