Congrès National des Architectes Experts, discours de F. BOYER

Discours de Francis BOYER, architecte, président de l'Ordre des Architectes Bretagne à l'occasion du Congrès national des Architectes Experts, Rennes, 15 Juin
- Rennes

Mesdames et Messieurs

Chers Consoeurs, chers Confrères

Je tiens tout d'abord à vous remercier de votre invitation à être parmi votre Assemblée érudite qui me paraît à l'évidence perpétuer de façon moderne la noble tradition des Sociétés savantes du XVIII ème siècle qui brillaient par leurs lumières.

Vos contributions des 50 dernières années touchant des sujets aussi divers que la réglementation thermique, la question environnementale, les matériaux biosourcés, les risques naturels, la vétusté des bâtiments, etc... abordées avec hauteur sous plusieurs angles (techniques, juridiques, investigations expertales) en sont l'illustration.

Votre particularité d'architectes experts au Collège National est d'être des praticiens ancrés dans la réalité des pratiques techniques et économiques, aussi il ne vous a pas échappé la formidable mutation que notre métier traverse depuis quelques années, accompagnant ainsi la mutation sociétale de nos contemporains, nous obligeant à hisser encore davantage vers le haut nos compétences, nos expertises et notre champ du savoir.

Récemment c'est d'un point de vue législatif que ces deux dernières années (2015-2016) ont été fécondes pour l'Architecture et les architectes, avec 3 repères principaux :

  • La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte promulguée le 17 Aout 2015, qui a fixé l'objectif de rénover 500 000 logements par an à compter de cette année.

Ce sont de considérables perspectives et opportunités qui se sont ouvertes pour les architectes qui souhaitent investir le marché de la réhabilitation pour lequel le taux de pénétration de la profession n'est que de 30%.

Je rappelle à cet égard que le chiffre d'affaire du marché de la réhabilitation est comparable à celui du neuf.

  • Suite à l'ordonnance du 23 juillet 2015, transposant les directives européennes sur les marchés publics, le décret d'application du 25 Mars 2016, a modifié substantiellement les contrats de la commande publique garantissant des procédures de concurrence favorisant la création et la qualité architecturale. Tous les maîtres d’ouvrage soumis à la loi MOP sont tenus de recourir au concours lorsqu’ils réalisent un ouvrage de bâtiment dans des conditions fixées par décret.
  • Enfin la Loi LCAP relative à la Liberté de Création, à l’Architecture et au Patrimoine dont je retiendrai ici 3 grands thèmes principaux :

 

1 / L'affirmation du rôle de l’architecte, et la confortation de son statut d’auteur du projet
 

Cela se traduit concrètement par l'obligation d'apposer le nom de l'architecte auteur du projet ainsi que la date d'achèvement de l'ouvrage sur l'une des façades extérieures.

De même le nom de l'architecte doit être désormais affiché sur le terrain avec l'autorisation d'urbanisme.

Enfin le 1% artistique sera pris en compte dès l’élaboration du projet architectura

2 / L'élargissement des conditions de recours à l’architecte pour les maisons individuelles et les lotissements :

  • Tout d'abord, le seuil de 150 m2 pour les particuliers, au-delà duquel l'intervention d'un architecte est obligatoire a été inscrit dans la loi elle-même.

Ce nouveau seuil qui est dans les faits un retour aux équilibres d'origine qui avait été rompu il y a 5 ans, a ceci d'original qu'il est cette fois inscrit dans la Loi et constitue de fait un plafond qui ne pourra être dépassé par décret. (150 m2 de surface plancher égalent 170 m2 de surface hors œuvre nette).
 

  • En deçà du seuil de 150 m2, les particuliers sont encouragés à faire appel à un architecte afin de bénéficier de délais d'instruction réduits pour l'obtention de leur Permis de Construire.

 

  • Enfin l’obligation de recourir à un architecte pour élaborer la demande de permis d’aménager d’un lotissement dont la surface de terrain à aménager est supérieure à 2500 m2

Ce dernier point est certes, une réponse concrète à l’exigence de sobriété foncière, de lutte contre le gaspillage foncier agricole et à l’intégration paysagère mais, il convient de l'analyser comme une prise de conscience.

Prise de conscience du législateur de considérer que l’aménagement des espaces urbains et paysagers doit être élaboré par des concepteurs formés à cet effet et non par de seuls techniciens dont l'angle de vue primordial est la rentabilité financière et la réglementation.

Ce recours obligatoire constitue un accroissement significatif du champ d'action de l'architecte et un fait remarquable pour la profession à une époque où les professions réglementées sont montrées du doigt, voire parfois vilipendées.

 

3 / Laisser la place à l’innovation et l’expérimentation
 

Ici réside peut être une des expressions majeures de la mutation en cours.

Le passage d’une culture de la règle à une culture de l’objectif qui est marqué par l’avènement ce 10 Mai dernier du « permis de faire ».

 

Ainsi les personnes publiques (Etat, collectivités territoriales, organismes HLM, sociétés d’économie mixte et sociétés publiques locales) peuvent, à titre expérimental et pour une durée de 7 ans, déroger aux règles de sécurité et d'accessibilité pour la réalisation d’équipements publics ou de logements sociaux, sous réserve de la mise en œuvre de solutions d'effets équivalents.

Un second décret sera prochainement promulgué portant sur plusieurs champs de dérogation supplémentaires tels que le réemploi de matériaux, la performance énergétique ou les caractéristiques acoustiques.

Je ne doute pas un instant que cette orientation originale de la loi ne laissera pas indifférents les Experts et les professionnels du droit que vous êtes.

En effet ce changement de paradigme attendu par bon nombre d'entre nous pour libérer la création architecturale va probablement aussi davantage complexifier votre tache lorsqu'il faudra démêler l'écheveau des causalités et responsabilités d'un sinistre lié, par exemple, au réemploi de matériaux dans la construction.

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Par son volet architecture, la loi LCAP est incontestablement la loi phare alors que nous fêtons cette année le 40ème anniversaire de la loi du 3 janvier 1977 sur l'Architecture.

Elle vient de traduire en droit la volonté exprimée tout d’abord par le député Patrick Bloche dans son rapport sur la création architecturale publié en juillet 2014, puis par le Ministère de la Culture dans la Stratégie Nationale pour l’Architecture (SNA), d’étendre la qualité architecturale à toutes les constructions et tous les territoires.

Mais également a montré à l'ensemble des architectes leur capacité d'engagement et de mobilisation par lesur diverses représentations professionnelles dont principalement le Conseil National de l'Ordre des Architectes sous la présidence éclairée de Catherine JACQUOT qui n'a pas ménagé ses efforts pour faire aboutir la Loi avec l'aide de tous les Conseils régionaux mobilisés à cette tache durant 4 années.

Il aura fallu pas moins de trois ministres, presque trois ans de très vifs débats, deux aller-retours entre les deux assemblées et 451 amendements pour que la loi, comptant 118 articles (dont 43 réécrits) soit adoptée définitivement par le parlement le 30 juin 2016, et publiée le 7 juillet 2016.

Si, des 36 propositions contenues dans le rapport de la Mission sur la Création architecturale et des nombreuses propositions élaborées par la profession, toutes n'ont pas été retenues au terme du parcours législatif, il n'en demeure pas moins qu'après près de 40 années de recul progressif du champ d'influence et d'action des architectes, nous pouvons nous réjouir des avancées significatives portées par cette loi.

L'été 2017 est celui du renouvellement de la moitié des Conseillers Ordinaux sur l'ensemble du territoire national,

         je caresse ici l'espoir que bon nombre d'entre vous auront à coeur venir nous rejoindre et mettre au service de tous leur formidable capacité d'analyse et d'expertise afin de convaincre nos concitoyens de l'intérêt public de la conception architecturale, de la dimension culturelle de notre discipline et ainsi repousser ceux qui tentent de la réduire.

Je vous remercie de votre attention et vive l'architecture !

Pour le Conseil Régional de l'Ordre des Architectes de Bretagne

Le Président

Francis BOYER

 

 

Publié le 26.04.2017 - Modifié le 21.06.2017
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